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de reflet gris blanc. Puis il y a une mouche qui ressemble à peu près à nos mouches domestiques. Elles se posent sur la plage pour manger les vers échoués sur le bord, et en tous temps ou peut y voir une zone de mouches de 2 centimètres 1/2 d’épaisseur et de deux mètres de large, qui s’étend sur toute la circonférence du lac ; cette zone de mouches a donc 160 kilomètres de long. Si l’on jette une pierre dessus, elle s’envole en un essaim si épais qu’il semble opaque comme un nuage. On peut les plonger sous l’eau aussi longtemps que l’on veut, cela ne les gêne pas : elles n’en sont que plus fières. Quand on les lâche elles bondissent à la surface aussi sèches qu’un brevet d’invention et s’en vont aussi tranquillement que si elles avaient été dressées spécialement pour fournir à l’homme une récréation instructive de ce genre particulier. La Providence ne laisse rien au hasard. Toutes choses ont leur usage, leur rôle et leur place assignée dans l’économie de la nature ; les canards mangent les mouches, les mouches mangent les vers, les Indiens les mangent tous les trois, les chats sauvages mangent les Indiens, les blancs mangent les chats sauvages, et ainsi tout est charmant.

Le lac Mono est à 160 kilomètres à vol d’oiseau de l’Océan ; entre eux deux, se trouvent une ou deux chaînes de montagnes ; pourtant des milliers de goélands s’y rendent chaque saison pour y pondre leurs œufs et élever leurs petits. On s’attendrait plutôt à trouver des goélands dans le Kansas. Et à ce propos, observons un autre exemple de la sagesse de la nature. Les îles de ce lac n’étant que de vastes amas de laves recouverts de cendres et de pierres ponces et complètement innocents de toute végétation ou de tout combustible, et les œufs de goélands n’étant absolument bons à rien à moins d’être cuits, la Nature a doté la plus grande île d’une source intarissable d’eau bouillante ; vous pouvez y mettre vos œufs : en quatre minutes d’ébullition, ils seront aussi durs à avaler que n’importe lequel des récits que j’ai pu faire en ces quinze dernières années. À moins de dix pieds de la source d’eau bouillante se trouve une pure source d’eau froide, douce et saine. De sorte que, sur cette île, on est logé, nourri et blanchi gratis et si la nature avait été plus loin, qu’elle eût fourni un bel employé d’hôtel américain qui fût cassant et désobligeant, qui ignorât les horaires et les itinéraires des lignes ferrées, ou tout le reste, et qui en fût fier, je ne saurais souhaiter de pension de famille plus désirable.

Une demi-douzaine de petits torrents de montagne se déversent dans le lac Mono, mais pas un cours d’eau n’en sort ; jamais