empilions en un tas brillant et somptueux pour passer l’inspection. La confection de ces boules de neige me coûta une jolie bague d’or, mon ignorance aidant ; car le mercure imprégna la bague avec la même facilité que l’eau sature une éponge : il en sépara les particules et la fît tomber en miettes.
Nous mettions notre monceau de boules de mercure dans une cornue de fer munie d’un tuyau aboutissant à un seau d’eau, puis nous la soumettions à une chaleur rissolante. Le mercure se vaporisait, s’échappait par le tuyau et l’eau le convertissait en bel et bon mercure tout neuf.
Le mercure coûte très cher, jamais on ne le gaspille. En ouvrant la cornue, nous voyions le produit de notre semaine de travail : un morceau d’argent d’une pure blancheur, d’aspect glacial, deux fois gros comme la tête d’un homme. Peut-être un cinquième de la masse était de l’or, mais la couleur n’en montrait rien ; elle ne l’aurait pas montré si les deux tiers avaient été de l’or. Nous la fondions et nous en faisions une brique massive en la coulant dans un moule à brique.
Tel était le procédé assommant et laborieux par lequel s’obtenaient les briques d’argent. Notre usine n’était qu’une de celles qui, en grand nombre, fonctionnaient en ce temps-là. La première dans le Nevada avait été construite au Canyon d’Egan et n’était qu’une petite affaire bien insignifiante et ne se comparant pas à quelques-uns de ces immenses établissements installés plus tard à Virginia-City et ailleurs.
De nos briques on cassait un petit coin pour l’épreuve au feu, méthode usitée pour déterminer les proportions de l’or, de l’argent et des métaux inférieurs contenus dans la masse. Ceci est une opération intéressante. Le copeau de métal est aplati aussi mince que du papier et pesé sur une balance si délicate et si sensible que, si vous y pesez un lambeau de papier de deux pouces de long, que vous y écriviez ensuite votre nom avec un crayon gras et grossier et que vous le pesiez de nouveau, la balance tiendra un compte appréciable de l’addition. On enroule ensuite à ce flocon d’argent un peu de plomb (pesé lui aussi) et on fond les deux ensemble à une chaleur intense, dans un petit vaisseau nommé coupelle, fabriqué en comprimant des cendres d’os dans un moule d’acier en forme de coupe. Les métaux inférieurs s’oxydent et s’absorbent avec le plomb dans les pores de la coupelle. Il reste un bouton ou globule d’argent et d’or parfaitement purs ; en le pesant et en notant la diminution de poids, l’analyseur connaît la proportion de poids des métaux inférieurs que contient la brique.