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mène chimique ne peut se produire sans s’accompagner de phénomènes physiques ; de même la vie s’accompagne de production de chaleur et d’électricité…

Elle s’accompagne aussi de conscience, autant que chacun de nous peut en juger par lui-même, c’est-à-dire qu’une agglomération vivante est constamment tenue au courant, d’une manière plus ou moins synthétique, de l’ensemble des phénomènes chimiques qui se passent en elle et de la répercussion des mouvements extérieurs sur son état d’équilibre momentané. Un état de conscience, c’est donc la traduction, dans un langage spécial, de l’ensemble des mouvements qui se font dans notre être au moment considéré. Ce langage est obscur à un certain point de vue, clair à un autre point de vue. Il est obscur, en ce sens qu’il ne nous renseigne que sur des synthèses : lorsque nous voyons passer un cheval, nous ne savons pas quelle modification s’est produite à ce moment dans notre rétine, dans notre cerveau, dans tout notre individu : nous ignorerions totalement notre structure si nous ne la connaissions que par notre conscience. Mais si nous ne savons pas, quand nous voyons un cheval, quelle modification s’est produite dans notre rétine, nous savons du moins qu’il passe un cheval devant nous, et cela est très important.

Je n’entrerai pas ici dans le détail de l’explication de ce fait que des mouvements cérébraux qui peuvent n’avoir aucun rapport direct avec la forme d’un cheval nous font néanmoins connaître cette forme. C’est l’affaire de l’éducation et de l’évolution des espèces…

La seule chose que nous ayons en ce moment à retenir, c’est que la synthèse d’un ensemble de mouvements simultanés s’accompagne, dans un individu, d’une certaine représentation synthétique de cet ensemble. Pour les vitalistes, cela est tout simple ; puisqu’il y a en nous un principe immatériel que nous ne comparons à rien, et pour cause, on ne saurait nous empêcher d’attribuer la conscience à ce principe immatériel : nous pouvons aussi le supposer tenu sans cesse au courant de tout ce qui se passe dans le corps qu’il habite.

Quoi de plus naturel ? C’est bien commode, les principes immatériels, puisqu’on ne peut les comparer à rien ! Avons-nous quelques difficultés dans l’explication de l’homme ? Nous imaginons dans l’homme un principe immatériel qui a précisément pour propriétés spéciales tout ce que nous ne comprenions pas, et le tour est joué !

Voyez au contraire à quoi sont acculés les pauvres déterministes. Il n’y a dans l’homme que de la matière en mouvement ; la synthèse de ces mouvements est consciente, donc les mouvements de la matière sont conscients ! Mais lisez plus haut ce que nous dit un vitaliste au nom de l’observation et de la raison (!  ?) : « la matière ne peut contenir ce qui est la négation d’elle-même. Or la pensée nous apparaît comme la négation de la matière ; donc la matière ne peut contenir les éléments de la pensée. » Conclusion : Les déterministes se trompent puisqu’ils sont conduits logiquement à une erreur évidente.

Je voudrais bien savoir au nom de quelle observation on affirme que