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L’examen des monographies d’ateliers dont nous avons parlé a conduit aux résultats suivants :

35 femmes à 1 fr. 50
50 à 2 francs
52 à 2 fr. 25 et 2 fr. 50
75 à 3 francs
11 à 3 fr. 25 et 3 fr. 50
28 à 4 francs, 4 fr. 25 et 4 fr. 50.
7 à 6 francs.
1 au mois.

294 femmes payées à la tâche : 0 fr. 80, 1 fr. 50, 2 francs, 2 fr. 50, et 4 francs par jour.

En se plaçant au point de vue du salaire annuel, le calcul de 160 jours de travail par an (catégorie la plus nombreuse, dit l’Enquête), on arrive à des salaires annuels de 240 francs à 960 francs,

Les ouvrières payées aux pièces atteignent 15, 16, 17, 18 et 20 francs parfois pour la semaine ; soit, pour un total de 26 semaines : 390, 416, 442, 494, 520 francs.

Ce qui signifie que les ouvrières de la confection, comme les ouvrières de la couture (et une foule d’autres que nous passons sous silence), n’ont qu’un salaire d’appoint, en supposant qu’elles aient un complément d’autre part.

Il y a une doctrine économique, soutenue principalement par les organisateurs des Cercles catholiques d’ouvriers, qui attribue la situation des ouvrières de l’aiguille — et en général celle de tous les ouvriers — à… la Révolution française, coupable, dit-on, d’avoir anéanti les organisations professionnelles ou corporations [1].

Nous allons montrer que dans un pays où n’a pas sévi « la griserie de destruction » de 1789, la situation des ouvrières de l’aiguille n’est pas différente de celle qu’on peut voir à Paris et en province.

Voici des renseignements pris en Allemagne par Johannes Timm [2].

Un ouvrier entrepreneur pour la confection des manteaux, habitant au Wedding (quartier pauvre situé au nord de Berlin), emploie pendant la saison quinze ouvrières, travaillant à domicile, qui gagnent 40 pfennigs (0 fr. 50) pour deux façons de jaquettes. Quinze autres ouvrières sont employées pour la garniture et l’achèvement de chaque jaquette. Celles-

  1. « La crise du métier artistique de l’aiguille va sévir dans toute son intensité à l’heure de la grande saturnale de sang : 89 avait été la griserie des destructions ; 98 devient celle des hécatombes : 89 ouvre l’abîme ; 98 l’emplit de cadavres. La population laborieuse en fournit le plus gros contingent, 30 000 au moins, en qualité de libérée de la Révolution. La France corporative, particulièrement pourvue de ce bienfait, représente les trois quarts de ces holocaustes. Les femmes en forment le tiers. Les couturières s’y trouvent en nombre imposant. » (G. Levasnier. Le Syndicat de l’aiguille.)
  2. Das Sweating-system in der deutschen Konfektions-Industrie. (Rapport présenté par Jean Timm, sur l’invitation du comité-directeur de la Fédération des tailleurs et tailleuses et des corporations similaires ; Flensburg, 1895, chez Holzhaeusser.)