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Dans l’Ariège, des femmes manœuvres occupées à l’extraction de minerais de plomb et de zinc, à 1 fr. et 1 fr. 20.

Dans l’Ille-et-Vilaine (entreprise de 1 242 chevaux), on trouve des ouvrières occupées à l’extraction et à la préparation des minerais métalliques qui gagnent 1 fr.

Dans l’Hérault, on trouve des trieuses de zinc et de plomb à 0 fr. 75 (maximum 2 fr.).

On voit donc que les salaires de famine ne sont pas rares en France dans les industries les plus pénibles. Comme l’accumulation des exemples est le seul moyen de convaincre, nous citerons encore, dans le Lot, les femmes manœuvres occupées à l’extraction des phosphates, qui gagnent de 1 fr. à 1 fr. 75 par journée de 10 heures.

Dans la Somme, les ouvrières occupées à la manipulation et au chargement des tourbes gagnent 1 fr. par jour.

Dans la Haute-Vienne, les femmes manœuvres occupées à l’extraction du kaolin gagnent de 0 fr. 75 à 1 fr. par jour.

SALAIRES ET BUDGETS DANS LES FILATURES

Nous avons montré que l’accroissement de la main-d’œuvre féminine au détriment de la main-d’œuvre masculine avait accru les profits des fabricants partout où ce changement avait été possible. On va voir le contre-coup de ce phénomène économique dans le budget d’une famille ouvrière.

Considérons, par exemple, la filature de coton. L’enquête de 1840-45 accuse dans cette industrie une proportion de femmes et d’enfants de 26 %. L’enquête de 1891-93 accuse une proportion de 50 %. Le personnel féminin a donc doublé. Quel est le salaire de ces ouvrières ?

Si nous nous reportons à une monographie de l’Office du travail, tome II de l’enquête précitée, nous lisons : filature de coton, Seine-et-Oise, entreprise de 95 chevaux ; ouvrière, salaire minimum, 1 fr. 25 ; salaire maximum, 2 fr. 75 ; salaire moyen, 1 fr. 75 ; salaire moyen par année, 500 francs.

Or si nous consultons, d’autre part, les budgets annuels de dépense de 14 familles dont les membres adultes sont occupés par une filature de coton du département de l’Oise, nous remarquons qu’une famille composée du père, de la mère et de quatre enfants (de moins de dix ans) consomme 608 fr. 40 de pain et 175 fr. 50 de viande (bœuf, lard et graisse) ; un ménage avec cinq enfants, dont l’aîné a 15 ans, consomme 842 fr. 40 de pain et seulement 208 francs de viande ; un autre ménage avec cinq enfants, 196 francs de viande ; une famille avec six enfants, dont l’aîné a 20 ans, les autres 18, 16, 14, 9 et 5 ans, dépense 1 076 francs de pain et 273 francs de viande, ce qui fait environ 0 fr. 60 de viande par semaine à chacun. Les autres familles n’en mangent pas davantage [1].

  1. Ces budgets ont été dressés par un manufacturier du département de l’Oise (filature et tissage de coton) et ils ont été transmis à l’Office du travail par l’ingénieur en chef des Ponts et chaussées du département.