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monté jusqu’à huit cents dollars en Bourse. Aucune tonne de minerai n’a encore était convertie en argent, que je sache. Mais ce que je sais, c’est qu’il y a beaucoup de gisements dans le district qui surpassent la Saba comme résultat à l’analyse primaire.

Écoutez un moment les projets des entrepreneurs de la Saba. Ils se proposent de transporter le minerai concentré en Europe. Le transport depuis Star City (son lieu d’origine) jusqu’à Virginia City, coûtera 70 dollars la tonne ; de Virginia à San-Francisco quarante dollars la tonne ; de là à Liverpool, son lieu de destination, dix dollars la tonne. Leur idée est que les métaux alliés rembourseront le prix de l’extraction, du transport et du raffinage et qu’alors une tonne de minerai brut leur rapportera ainsi douze cents dollars. Cette estimation peut être extravagante. Prenons-en la moitié et le produit sera encore énorme, surpassant de beaucoup celui de toutes les autres mises en valeur de notre fringant territoire.

Selon une estimation très répandue, la plupart de nos mines rapporteraient cinq cents dollars la tonne. Une telle fécondité rejette la Gould et Currie, l’Ophir et la Mexicaine, de votre voisinage, dans l’ombre la plus noire. Je vous ai soumis les évaluations relatives à une seule mine en exploitation. Sa richesse est indiquée par sa cote à la Bourse. Les habitants du comté de Humboldt ont la folie des « pieds ». Au moment où j’écris, nos villes sont désertes, elles ont l’air aussi languissantes que de jeunes poitrinaires. Que sont devenus nos robustes et athlétiques concitoyens ? Ils parcourent les ravins et les sommets de la montagne. Leur piste est visible dans toutes les directions. Par instants un cavalier s’élance parmi nous. Son coursier semble surmené. Il met pied à terre devant son habitation en adobe, échange de rapides politesses avec ses concitoyens, se précipite vers un bureau d’analyses et de là chez le magistrat enregistreur du district. Le lendemain matin, ayant renouvelé ses provisions, il retourne poursuivre sa sauvage et vierge carrière. Eh bien, ce gaillard-là compte déjà ses « pieds » par milliers. C’est la sangsue à cheval. Il a l’estomac insatiable du requin ou de l’anaconda. Il conquerrait des mines de métaux.

C’en fut assez, à l’instant où nous eûmes fini de lire cet article, quatre d’entre nous se décidèrent de partir pour le Humboldt.

Nous commençâmes à nous préparer immédiatement et nous commençâmes aussi à nous goûrmander nous-mêmes pour ne pas nous être décidés plus tôt. Nous tremblions de peur que toutes les mines riches n’eussent été découvertes et retenues avant notre arrivée et que nous ne fussions obligés de nous contenter de gisements qui ne rendraient guère plus de deux ou trois cents dollars la tonne.

Une heure avant je me serais senti riche si j’avais eu dix pieds d’une mine de Gold Hill produisant 25 dollars la tonne, maintenant j’étais navré d’avance à l’idée de me contenter de mines dont la plus pauvre aurait été un miracle à Gold Hill.