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teurs, même à trois dollars par jour, quoique le vivre et le logement coûtassent quatre dollars et demi, parce que les honneurs ont leur charme au Nevada aussi bien qu’ailleurs, et qu’il y avait nombre d’âmes patriotiques sans emploi ; mais trouver une salle de délibération pour les y réunir était une toute autre affaire. Carson refusa avec onction d’en donner une gratuitement ou d’en louer une à crédit au gouvernement.

Mais lorsque Curry apprit la difficulté, il s’avança unique et solitaire, donna au vaisseau de l’Etat un coup d’épaule par-dessus la barre et le remit à flot. Je parle de « Curry, le vieux Curry, le vieil Abe Curry ». Sans lui la législature aurait siégé dans le désert. Il offrit pour rien sa grande maison en pierre, située juste en dehors de la ville, et on l’accepta avec joie.

Ensuite, il construisit un tramway de la ville au Capitole et transporta les législateurs gratis. Il fournit aussi des bancs de sapin et des chaises à la législature et répandit de la sciure de bois fraîche sur les parquets en guise de tapis et de crachoir combinés. Sans Curry le gouvernement serait mort dès sa tendre enfance. Une cloison de toile pour séparer le Sénat de la Chambre des Représentants fut installée par le Secrétaire, au prix de trois dollars et quarante cents ; mais les États-Unis refusèrent de les payer. Comme on leur représenta que les « instructions » autorisaient le paiement d’un loyer important pour une salle de délibération et que cet argent était économisé au pays par la générosité de M. Curry, les États-Unis répliquèrent que cela ne changeait rien à l’affaire, que les trois dollars quarante cents seraient retranchés du salaire de dix-huit cents dollars du Secrétaire et ils le furent.

La question de l’imprimerie fut dès le début un côté intéressant des difficultés du nouveau gouvernement. Le Secrétaire était tenu par serment d’obéir à son volume « d’instructions » écrites, et celles-ci lui ordonnaient expressément deux choses, à savoir :

1° Faire imprimer les procès-verbaux de la Chambre et du Sénat ; et

2° Pour ce travail, payer un dollar cinquante cents le « mille » pour la composition et un dollar cinquante cents les « dix mains » pour l’impression, le tout en billets de banque.

Il était facile de jurer de faire ces deux choses, mais entièrement impossible d’en accomplir plus d’une seule. Alors que les billets de banque étaient tombés à quarante cents le dollar, les maisons d’imprimerie tarifaient couramment « le mille » à un dollar cinquante cents et les « dix mains à un dollar cin-