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la terre, poursuivis par de hauts brisants, j’étais assis à l’arrière et je maintenais le cap sur le rivage. À l’instant où l’étrave toucha, une vague arriva par-dessus l’arrière qui jeta à terre l’équipage et la cargaison et nous épargna tout travail. Nous grelottâmes à l’abri d’un rocher le reste de la journée et nous y gelâmes toute la nuit. Le matin suivant, la tempête s’était calmée et nous ramâmes jusqu’au camp sans retard inutile. Nous étions si affamés que nous dévorâmes le reste des provisions de la Brigade, puis nous reprîmes le chemin de Carson pour aller lui raconter la chose et implorer son pardon. On nous l’accorda moyennant paiement des dommages

Nous fîmes beaucoup d’autres excursions au lac dans la suite, et nous y eûmes maintes aventures horrifiques où nous l’échappâmes belle et qui ne seront jamais rapportées dans l’histoire.

CHAPITRE XXIV
Résolution d’acheter un cheval. — L’équitation à Carson. — Tentation. — Conseil donné gratis. — J’achète le tampon mexicain. — Ma première chevauchée. — Bon pour le saut-de-mouton. — Je prête le tampon. — Impressions des emprunteurs. — Tentatives de vente. — Coût de l’expérience, — Un étranger dupé.

Je résolus d’avoir un cheval de selle. Jamais je n’avais vu, en dehors d’un cirque, d’équitation aussi effrénée, aussi naturelle, aussi magnifique que celle dont faisaient montre chaque jour, dans les rues de Carson, ces pittoresques Mexicains, Californiens et Américains mexicanisés. Comme ils montaient ! Légèrement penchés en avant, aisés et nonchalants, le large bord de leur feutre mou relevé carrément sur leur front par le vent, leur long riata flottant au-dessus de leur tête, ils parcouraient la ville comme le vent ! Une minute après, ce n’était plus qu’une bouffée de poussière courant au loin dans le désert. S’ils trottaient, ils se redressaient gaillardement et gracieusement et semblaient partie intégrante du cheval ; ils ne sautillaient pas à la manière niaise des petites demoiselles au manège. J’avais vite appris à distinguer un cheval d’une vache et j’étais plein du souci d’en apprendre davantage. J’étais décidé à acheter un cheval.

Tandis que cette idée fermentait dans mon esprit, le commissaire-priseur arriva en caracolant à travers la plaza sur un ani-