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muraille recourbée de puissantes montagnes, dont les cimes se cachent dans les nuages et dont les épaulements gardent les restes des neiges de l’hiver pendant tout l’été. Vue d’une de ces hauteurs vertigineuses, à une vingtaine de kilomètres de distance, la Ville du Grand Lac Salé, réduite et amoindrie, ne rappelle plus qu’un village-joujou reposant sous la protection majestueuse de la muraille de Chine.

Sur quelques-unes de ces montagnes, vers le sud-ouest, il pleuvait tous les jours depuis deux semaines, mais pas une goutte d’eau n’était tombée dans la ville. À la fin du printemps et au commencement de l’automne, pendant les jours de chaleur, les habitants pouvaient quitter leurs éventails et leurs grognements pour aller se rafraîchir au spectacle luxueux d’une magnifique tempête de neige fonctionnant dans la montagne. Ils pouvaient en jouir à distance, dans ces saisons, bien que la neige ne tombât pas dans leurs rues ni dans leur voisinage.

La Ville du Lac Salé était salubre, extrêmement salubre. On affirmait qu’il n’y avait qu’un seul médecin dans le pays, et qu’on l’arrêtait régulièrement une fois par semaine en vertu de la loi sur le vagabondage, sous la prévention de « n’avoir aucuns moyens visibles d’existence. « (En fait de véracité on vous donne toujours l’article fort au Lac Salé, et bonne mesure et bon poids par dessus le marché. Très souvent quand on veut peser une de leurs petites déclarations banales les plus aériennes, il faut les balances à foin.)

Nous avions désiré visiter la fameuse mer intérieure, la « Mer Morte » américaine, le Grand Lac Salé, à 27 kilomètres de la ville, car nous en avions rêvé, nous y avions pensé, nous en avions parlé et nous avions brûlé de la voir, pendant toute la première partie de notre voyage ; mais à présent qu’elle n’était plus qu’à portée de la main, elle avait perdu presque tout vestige d’intérêt. Nous remîmes donc l’excursion au lendemain d’une manière vaguement générale et ce fut la dernière fois que nous y songeâmes. Nous dînâmes chez quelques Gentils hospitaliers ; nous visitâmes les fondations du temple prodigieux ; nous causâmes longtemps avec ce Yankee déluré du Connecticut, Heber C. Kimball (mort depuis), un Saint de haut degré et un puissant homme de commerce. Nous vîmes la « Maison de la Dîme » et la « Maison du Lion » et je ne sais combien d’autres bâtiments religieux et civils d’espèces variées et de noms curieux. Nous courûmes ça et là, heureux à toute heure, nous recueillîmes une grande somme d’informations utiles