à ceux qui aiment « une musique » jusqu’à lui rester jalousement fidèles malgré ses rides ou ses fards !
Les gens dont nous parlons — reprit-il — ne sont pas coupables. Accusez plutôt les artistes qui accomplissent la triste besogne de servir et d’entretenir le public dans une nonchalance voulue… À ce mêfait ajoutez que ces mêmes artistes surent combattre pendant un instant, juste ce qu’il fallait pour conquérir leur place sur le marché ; mais une fois la vente de leurs produits assurée, vivement ils rétrogradent, semblant demander pardon au public de la peine que celui-ci avait eu à les admettre. Tournant résolument le dos à leur jeunesse ils croupissent dans le succès sans plus jamais pouvoir s’élever jusqu’à cette gloire heureusement réservée à ceux dont la vie, consacrée à la recherche d’un monde de sensations et déformes incessamment renouvelé, s’est terminé dans la croyance joyeuse d’avoir accompli la vraie tâche ; ceux-là ont eu ce qu’on pourrait appeler un succès de « Dernière si le mot « succès » ne devenait pas vil mis à côté du mot gloire ».
Enfin, pour m’appuyer sur un récent exemple, j’ai peine à voir combien il est difficile de conserver le respect à un artiste qui lui aussi fut plein d’enthousiasme et chercheur de gloire pure… J’ai horreur de la sentimentalité, monsieur ! Mais j’aimerais ne pas me souvenir qu’il s’appelle Camille Saint-Saëns !
Je répliquai simplement : « Monsieur, j’ai entendu les Barbares.
Il reprit avec une émotion que je ne lui soupçonnais pas : « Comment est-il possible de s’égarer aussi complètement ? Comment oublia-t-il qu’il fit connaître et imposa le génie tumultueux de Liszt et sa religion pour le vieux Bach ?
Pourquoi ce maladif besoin d’écrire des opéras et de tomber de Louis Gallet en Victorien Sardou, propageant la détestable erreur qu’il faut « faire du théâtre », ce qui ne s’accordera jamais avec faire de la musique. »
J’essayai de timides objections comme : « Ces Barbares sont-ils plus mauvais que beaucoup d’autres opéras dont vous ne parlez pas ? » et : Devons-nous pour cela perdre le souvenir de ce que fut Saint-Saëns ? — M. Croche me coupa brusquement la parole. — « Cet opéra est plus mauvais que les autres parce qu’il est de Saint-Saëns. Il se devait et devait encore plus à la musique de ne pas écrire ce roman où il y a de tout, même une farandole dont on a loué le parfum d’archaïsme : a elle est un écho défraîchi de cette « rue du Caire » qui fit le succès de l’Exposition de 1889 ; comme archaïsme, c’est douteux. Dans tout cela, une recherche pénible de l’effet, suggérée par un texte où il y a des mots » pour la banlieue et des situations qui naturellement rendent la musique ridicule. La mimique des chanteurs, la mise en scène pour boîte à sardines dont le théâtre de l’Opéra garde farouchement la tradition, achève le spectacle et tout espoir d’art. — N’y a-t-il donc personne qui ait assez aimé Saint-Saëns pour lui dire qu’il avait assez fait