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Tadmid forme un petit territoire de quelques kilomètres d’étendue, placé dans les dépendances du cercle de Laghouat. Sa situation au pied du versant est du Djebel-Amour et le cours d’eau qui l’arrose en font une région exceptionnellement fertile où tout vient à souhait. À proximité de Djelfah et de Laghouat, c’était pour les officiers des bureaux arabes de ces deux villes un admirable grenier d’abondance où ils puisaient sans compter lait et beurre frais (choses presque introuvables en ces régions), fromages, volailles, légumes et autres comestibles. Le fourrage qu’on y récoltait, approvisionnait une partie de nos postes sahariens. Puis, Tadmit était en même temps un agréable rendez vous de chasse où les officiers des cercles environnants se réunissaient fréquemment. Le lièvre et la perdrix y pullulent, et je me souviens que deux officiers de Laghouat, venus pendant mon séjour à l’établissement, tuèrent en une seule journée une telle quantité de perdrix, que les doubles sacoches et les filets à fourrages des quatre spahis qui les avaient escortés ne suffisaient à contenir le gibier. Mais, par contre, quelque temps après, un des disciplinaires détachés à Tadmit fut surpris par son chef de détachement, le sergent Coulomb, au moment où il rapportait à la ferme une perdrix, prise je ne sais comment ; il fut mis incontinent sous le tombeau[1], et puni par le bureau arabe de Laghouat de quinze jours de prison dont huit de cellule. Cette punition fut portée à trente jours par le général de la subdivision, et le commandant du cercle fit prévenir les hommes de la garnison de Tadmit que tous ceux d’entre eux qui seraient convaincus de s’être livrés à la chasse sur le territoire militaire seraient punis désormais de soixante jours de prison dont quinze de cellule.

On admettra facilement que le bureau arabe de Laghouat eût tout intérêt à entretenir avec soin l’ « Enfer du Djebel-Amour », et à ne pas refuser au sous-officier qui dirigeait cet établissement les bras nécessaires selon les différentes époques de l’année agricole. C’est à ce bureau arabe, d’où il dépendait directement, que le sous-officier directeur s’adressait chaque fois qu’il croyait avoir besoin d’augmenter son personnel. Cette demande de travailleurs était presque toujours suivie d’une recrudescence de délits et d’infractions parmi les indigènes du cercle, et conséquemment d’un prompt envoi de condamnés à la ferme de Tadmit. Cette coïncidence serait curieuse si le hasard seul y avait présidé. Mais en ces temps de labeurs urgents, la consigne est donnée, et toutes les autorités du cercle — officiers, agents de police, caïds, aghas, etc. — s’appliquent de leur mieux en ces rafles intéressées. Les motifs de propos offensants et de paroles grossières à l’égard des officiers de la ville arrivent alors nombreux au bureau, qui n’a plus qu’à

  1. Petit abri en toile réservé aux disciplinaires punis. Le tombeau est une peine redoutée. Son exiguïté est telle, que l’homme y est condamné à une immobilité presque complète. Le tombeau est dressé sur le sol nu, et mesure environ 1 m. 50 en longueur sur 0 m. 40 en hauteur et 0 m. 50 en largeur.