Page:La Revue blanche, t26, 1901.djvu/375

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion



aimable et satisfait que ses voisins avaient appris depuis longtemps à reconnaître comme un arrêt de mort déguisé et lui dit : Pas de ça ! passez-moi l’article cher. » Donc le pauvre débitant dut tourner le dos pour prendre le cognac cher sur la planche et, quand il se retourna de nouveau, il regardait dans la gueule du pistolet de Slade. « Et un instant après, ajouta mon interlocuteur avec gravité, c’était un des hommes les plus morts qui aient jamais vécu. »

Les cochers et les conducteurs nous racontèrent que quelquefois Slade laissait un ennemi exécré pendant des semaines sans aucunement le molester, le regarder ni en parler, qu’en tout cas il l’avait fait une ou deux fois. Les uns disaient qu’ils croyaient qu’il agissait ainsi pour bercer ses victimes d’insouciance et pouvoir les attaquer à l’improviste, et d’autres disaient croire qu’il économisait ainsi un ennemi comme un écolier économise un gâteau et fait durer le plaisir le plus possible en s’en gorgeant par anticipation. L’un de ces cas fut celui d’un Français qui avait offensé Slade. À la surprise générale, Slade ne le tua pas sur place, mais le laissa tranquille pendant un temps considérable. Finalement, cependant, il se rendit à la maison du Français un soir, très tard, frappa et, lorsque son ennemi ouvrit la porte, il le tua raide, il repoussa le cadavre à l’intérieur de la porte d’un coup de pied, mit le feu à la maison et brûla le mort, sa veuve et ses trois enfants ! J’ai entendu cette histoire de la bouche de plusieurs personnes, et toutes croyaient évidemment ce qu’elles disaient. Elle peut être vraie, elle peut être fausse, « Qui veut noyer son chien, etc. "

Slade fut capturé un jour par une troupe de gens décidés à le lyncher. Ils le désarmèrent, l’enfermèrent dans une solide cabane en rondins et mirent un poste à le garder. Il obtint de ses geôliers d’envoyer chercher sa femme pour qu’il pût la voir une dernière fois. C’était une femme brave, aimante et énergique. Elle sauta à cheval et galopa pour la vie ou la mort. Quand elle arriva, on la laissa entrer sans la fouiller, et avant qu’on eût pu refermer la porte, elle sortit d’un seul geste une paire de revolvers et elle et son seigneur et maître se mirent en marche en bravant la bande. Puis, sous un feu nourri, ils montèrent tous deux sur le même cheval et s’enfuirent sains et saufs !

Dans la suite des temps, les myrmidons de Slade capturèrent son ancien ennemi Jules, qu’ils découvrirent dans une cachette bien choisie au fond des solitudes de la montagne, gagnant une vie précaire avec sa carabine. Ils l’amenèrent à Rocky Ridge,