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arrêté leurs déprédations sur la cavalerie de la Compagnie, recouvré un grand nombre de chevaux volés, tué plusieurs des pires coupe-jarrets du district, et conquis un ascendant si redouté sur les autres qu’ils le respectaient, l’admiraient, le craignaient et lui obéissaient ! Il accomplit dans les mœurs de la communauté le même changement merveilleux qui avait marqué son administration à Overland-Ville. Il captura deux hommes qui avaient volé des bêtes de la Compagnie et de ses propres mains il les pendit. Il était le juge suprême du district aussi bien que le jury et exécuteur des hautes œuvres, et non seulement en cas d’offenses contre ses patrons, mais encore contre les émigrants de passage. Un jour, des émigrants eurent leur bétail volé ou perdu et le dirent à Slade qui visitait leur camp par hasard. Avec un seul compagnon il se rendit à cheval à une ferme dont il soupçonnait les propriétaires et, ouvrant la porte, il commença le feu, en tuant trois et blessant le quatrième.

D’un petit livre sanguinairement intéressant sur le Montana, j’extrais le paragraphe suivant :

En voyage, la tyrannie de Slade était absolue. Il descendait à une station, y élevait une querelle, jetait la maison par les fenêtres et en maltraitait les habitants avec la dernière cruauté. Les infortunés n’avaient aucun moyen de redressement à leur disposition, et étaient contraints à se remettre de leur mieux. Dans l’une de ces occasions, il tua le père de Jemmy, le beau petit garçon de demi-sang, qu’il adopta et qui vécut avec sa veuve après son exécution. Les histoires de Slade pendant des gens, des innombrables bagarres à coups de pistolet, de couteau et de massue où il joua le principal rôle, forment une partie de la légende de la ligne postale. Quant aux querelles et aux coups de feu de moindre importance il est absolument certain qu’une biographie détaillée de Slade ne serait qu’un long récit de tels exercices. »

Slade était un tireur sans rival au revolver de marine. La légende dit qu’un beau matin à Rocky Ridge, se sentant à l’aise, il vit approcher un homme qui l’avait offensé auparavant : remarquez quelle bonne mémoire il avait en pareille matière. « Messieurs », dit Slade en dégainant, « ceci est un coup à vingt bons pas ; je vais lui couper le troisième bouton de son habit ». Ce qu’il fit. Les assistants étaient tous dans l’admiration. Et ils allèrent tous aussi à l’enterrement.

Une fois, un homme qui tenait une petite buvette à la station, fit quelque chose qui fâcha Slade, et s’en alla faire son testament. Un jour ou deux après, Slade entra et demanda de l’eau-de-vie. L’homme allongea le bras sous son comptoir (ostensiblement pour saisir une bouteille, peut-être pour saisir autre chose), mais Slade lui sourit de ce sourire particulièrement