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nel. La guerre était déclarée et pendant un jour ou deux les deux hommes parcoururent les rues, sur leurs gardes, à la recherche l’un de l’autre, Jules armé d’un fusil de chasse à deux coups et Slade de son revolver historique. Finalement comme Slade entrait dans un magasin, Jules lui vida le contenu de son fusil dans le corps, de derrière la porte. Slade tint bon et Jules attrapa quelques mauvais coups de revolver en échange. Puis les deux hommes tombèrent et furent emportés à leurs domiciles respectifs, jurant tous les deux que la prochaine fois un meilleur tir ferait une besogne plus mortelle. Tous les deux furent alités longtemps, mais Jules fut sur pied le premier, et rassemblant ses biens il les emballa sur une paire de mulets et s’enfuit dans les Montagnes Rocheuses pour reprendre des forces avant le jour du règlement de comptes. Pendant bien des mois il ne fut plus question de lui et graduellement tout le monde l’oublia, excepté Slade. Slade n’était pas un homme à pardonner. Au contraire, la rumeur publique disait que Slade ne cessa pas d’offrir une récompense à qui le lui livrerait, mort ou vif !

Quelque temps après, voyant que l’administration énergique de Slade avait rendu la paix et l’ordre à l’une des plus mauvaises divisions de la route, la Compagnie de la poste le transféra dans la division de Rocky Ridge dans les Montagnes Rocheuses pour voir s’il pourrait y accomplir le même miracle. C’était le paradis des bandits et des spadassins. Il n’y avait pas semblant de lois dans le pays. La violence était de règle. La force était la seule autorité reconnue. Les malentendus les plus simples se dénouaient séance tenante au revolver ou au couteau. Les assassinats se commettaient en plein jour avec une fréquence sémillante et personne ne s’avisait d’ouvrir des enquêtes à leur sujet. On considérait que les auteurs de la tuerie avaient obéi à leurs raisons particulières ; s’y immiscer aurait paru de la part de tierces personnes une indélicatesse. Après un meurtre, tout ce que l’étiquette des Montagnes Rocheuses exigeait d’un spectateur, c’était qu’il aidât le monsieur à enterrer son gibier, autrement sa maussaderie lui aurait été payée de retour la première fois qu’il aurait tué un homme lui-même et qu’il aurait eu besoin d’un coup de main de ses voisins pour l’enterrer.

Slade établit sa résidence avec calme et sérénité au milieu de cet essaim de voleurs de chevaux et d’assassins et, la première fois que l’un d’eux exhiba ses insolentes brutalités en sa présence, il le tua net. Il commença une campagne contre les brigands et au bout d’un laps de temps singulièrement bref il avait complètement