Page:La Revue blanche, t26, 1901.djvu/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
24
LA REVUE BLANCHE

Le mouvement symboliste a déplacé la question pour le Parnasse qui devenait aux yeux de tous, dûment ce qu’il était, un parti, pour ainsi dire conservateur ; et contre les novateurs qui ont rél’ormé la technique et réinfusé de la vie à la poésie, il s’est fait une alliance, à peu près, de tous les poètes fidèles au rythme traditionnel ; cela a rapproché du Parnasse, une foule de fidèles du Classicisme ou du Romantisme, des lamartiniens ou des mussettistes exactement pareils à ceux qu’on maudissait à l’hôtel du Dragon Bleu et qui auparavant niaient les Parnassiens, quoi que ceux-ci fussent alors les plus intéressants des poètes de tradition ancienne. Il faut pourtant se rendre compte que ces adeptes nouveaux, pas plus que les jeunes écrivains amis du Parnasse qui pratiquent le vers libéré, ne sont des Parnassiens, et il ne faut pas croire à un grandissement subit et tardif de l’école. C’est un beau coucher de soleil et non une aurore. C’est la fin, dans le respect et l’attention admirative et émue, d’un groupe qui fit son devoir, qui sut maintenir la gloire du vers, et qui, s’il n’augmenta rien, ne laissa pas déchoir. Les Anthologies tiendront grand compte de leur production. Il leur a manqué que l’un d’eux, soit M. Mondès, soit M. Dierx, écrivît vm livre de vers qui s’imposât tout entier comme la Légende des Siècles, les Destinées, les Fleurs du mal ou les Exilés. Il est honorable pour eux qu’on puisse penser que, s’ils ne l’ont pas fait, c’est par esprit de discipline et par respect envers les maîtres.

M. Catulle Mendès le dit dans sa Légende du Parnasse contemporain après qu’il a comparé le groupe des Parnassiens aux Trois Mousquetaires, M. Dierx étant Atlios, Clatigny d’Artagnan Glatigny a dit :


Père de la savante escrime
Qui préside au duel de la rime,



comparaison fâcheuse et qui résume assez clairement la technique factice de l’école) et M. Coppée Aramis, ce qui nest point sans dénoter des dons psychologiques et môme prophétiques : le but des Parnassiens était de développer leur originalité sur les terrains, les mondes, si vous préférez, conquis par Hugo. Ils s’y sont bornés.

En 1902, demain, lors du Centenaire d’Hugo, M. Catulle Mendès et ses amis d’art seront là ; ils croiront, de bonne foi absolue, qu’ils sont les héritiers directs d’Hugo et qu’ils le représentent. Ils auront tort. Il n’a tenu qu’à eux qu’ils eussent raison ; ils auraient pu continuer l’évolution romantique : ils l’ont figée. Ils célébreront leur grand homme, leur Père, mais parmi les pompes d’une Religion qui s’en va justement parce qu’on l’a déclarée fermée et qu’on n’y veut plus rien changer,

L’Évolution passe et laisse les plus pures croyances devenir des documents pour servir à l’histoire des religions et, dans le cas présent, des Écoles poétiques.

Gustave Kahn