Page:La Revue blanche, t26, 1901.djvu/28

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
22
LA REVUE BLANCHE


d’afféterie, il possède quelques-unes des belles qualités du romantisme, et parmi ses romans romantiques, héritiers de la dernière manière d’Hugo, additionnée de Chamfort et de Crebillon fils, assaisonnée de lyrisme légendaire, « l’eau du Gange en gouttelettes dans son vin de Champagne », quelques-uns compteront. C’est lui aussi qui à conté le plus de beaux contes épiques, chanté le plus de jolies chansons, et a publié le plus de rimes inutiles, et il a trop fréquemment plié le vers à la chronique.

Armand Silvestre, improvisateur expéditif et averti, très maître d’un métier souple sans recherche, très indulgent à sa facilité, laisse, parmi tant de poèmes doués d’un excessif air de famille, les beaux vers de la Gloire du Souvenir et des Sonnets païens, comme pour montrer qu’il était supérieur à sa production ordinaire. Il a eu de francs accès de verve, qui lui marquent une belle place parmi les conteurs gaulois ; il a la verve, les procédés, l’abondance et le facile accueil aux bons mots de terroir et de corporation des meilleurs écrivains de ce genre.

À côté de ces poètes, le Parnasse à ses minores, dont plusieurs laissent ou laisseront au moins quelques pièces d’anthologie. Le type en est Glatigny, dont on lira longtemps la Normande, Maritorne, la Lettre à Mallarmé, poèmes rimes d’une certaine habileté. Il a servi de type à cette leçon du Parnasse sur l’agililé du versificateur et sur le don spécial du poète, qui consiste à attribuer à Glatigny, artiste médiocre, un don réel, considérable, constituant le poète et que n’aurait point eu un Flaubert, écarté des vers par les chinoiseries du métier poétique. Il est juste de citer M. Albert Mérat, paysagiste de ville, que les jardinets des fenêtres de Paris, les Asnières, les Meudon, les passages de canotiers sur une Seine ensoleillée ont intéressé et qui en a tiré d’agréables poèmes.

Près de M. Mérat il faut citer, par similitude de genre, M. Antony Valabrègue, qui fut un critique d’art instruit (les petits Parnassiens furent parfois de bons critiques d’art, comme M. Lefébure qui donna un judicieux volume sur la Dentelle, on peut aussi parler de M. Georges Lafenestre, auteur de vers légers et faciles). M. Valabrègue nota non sans finesse bien des décors de berge, de fêtes, de soirs de banlieue.

Léon Valade, qui collabora avec M. Mérat pour une traduction de l’Intermezzo de Heine, est mort jeune : il laisse une œuvre trop brève, où des pièces tendres sont tout à fait jolies, et, dans une gamme restreinte, il donne une sincérité d’émotion rare dans son groupe et que ne dépare point la rhétorique. M. Ernest d’Hervilly a brillé dans la gamme funambulesque. Il amusa beaucoup, aux débuts du Parnasse, par son Harem, où les diverses beautés du monde, de l’anglaise à la négresse, sont caractérisées avec quelque ironie. Rien ne vieillit si vite qu’une pièce gaie, mais des poèmes descriptifs de sensation exotique, sur la Louisiane entre aiutres, certifient la valeur poétique de M. d’Hervilly, qui semble avoir abandonné la poésie pour entasser une babel d’histoires légères et courtes dont certaines sont fines et d’un véritable humour. M. Emmanuel des Essarts, poète d’ambition et de bonne volonté, a tenté,