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La Folie


Routes de fer vers l’horizon,
Blocs de cendres, talus de schistes,
Où, sur les bords, un agneau triste
Broute les poils d’un vieux gazon ;
Départs brusques vers les banlieues,
Rails qui sonnent, signaux qui bougent ;
Et tout à coup le paysage des yeux
Crus et sanglants d’un convoi rouge ;
Appels stridents, ouragans noirs,
Pays de brasiers roux et d’usines tragiques,
Où sanglotent, quand vient le soir,
Toutes les voix du vent
Frappant d’un infini gémissement
Les fils à l’infini des crins télégraphiques ;
C’est parmi vous.
Qui entourez de vos remous
Les villes,
Que s’en viennent chercher asile
Les cerveaux éclatés des déments et des fous.

Marqués chacun d’un signe,
Derrière un mur aveugle et sourd
Des vieux faubourgs.
Les cabanons s’alignent ;
Et la cité ardente et terrible, là-bas,
Qui les peuple de haut en bas,
Avec les yeux lointains de ses vitres hagardes
S’en inquiète et les regarde.
Ô la folie et ses soleils tout à coup blancs,
Ô la folie de ses soleils, plombant
À rayons lents,
À rayons ternes,
Sinistrement,
La fièvre et le travail modernes !