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On a coutume de dire que l’ouvrier diamantaire est un privilégié à cause du haut salaire nominal. Cela était vrai, il y a une trentaine d’années. L’ouvrier pouvait même gagner plus de mille francs par semaine. Aujourd’hui, la situation est complètement changée. Nominalement l’ouvrier gagne de 100 à 120 francs par semaine ; seulement on oublie de dire qu’il fournit lui-même le boort, la matière ou déchet de diamant qui sert à façonner la pierre, ce qui lui occasionne 30 à 40 fr. de frais par semaine.

Ajoutons que le boort a aussi augmenté fortement, de sorte que les salaires sont considérablement réduits. Un bon ouvrier diamantaire gagne, à présent, tous frais déduits, 40 francs par semaine environ ; la plupart ne dépassent guère 30 francs par semaine. Si l’on tient compte du chômage, ici comme ailleurs les salaires deviennent tout à fait dérisoires. La situation des ouvriers diamantaires est donc très précaire. Les patrons n’ont guère le droit de se plaindre, dans cette industrie. Malgré la crise causée par la guerre du Transvaal, on n’a pas signalé une seule faillite. Nous lisons, d’autre part dans le journal le Diamant, moniteur des négociants en diamants :

« Plus les diamants deviennent chers et moins les ouvriers sont rétribués. Lorsqu’on pense que certains d’entre eux n’arrivent pas à gagner 8 ou 10 francs par semaine, on ne peut s’empêcher de déplorer cette criante injustice. » (25 septembre 1901.)

Nous ne pouvons passer sous silence la grève des ouvriers fourreurs qui a éclaté dans les premiers jours d’octobre. On évalue approximativement à 20 ou 25 % la proportion des israélites dans cette catégorie d’ouvriers.

Le syndicat des fourreurs comprend environ 300 ouvriers et 200 ouvrières. Mais il y a environ de 150 à 200 fourreurs non syndiqués, sans compter un plus grand nombre d’ouvrières. Les grévistes ont demandé la journée de 8 heures qui leur avait été accordée une première fois, puis retirée. Les patrons semblent disposés à cette concession, mais ils refusent de signer l’engagement de 5 ans exigé par les grévistes. On sait que le métier de fourreur est un des moins mauvais au point de vue du salaire nominal. Le salaire est de 9 à 10 francs par jour. Mais on ne doit pas oublier de noter qu’un quart seulement des fourreurs travaillent à l’année, les trois autres ont un chômage d’environ six mois, ce qui réduit considérablement les salaires. Au syndicat des fourreurs on nous apprend que le salaire a des fluctuations dans le sens d’une baisse marquée. On travaille souvent à 6 et 7 francs. Cela tient à la présence des juifs sans travail qui s’embauchent comme ils peuvent et déprécient de cette manière le taux de la main d’œuvre. C’est en partie pour remédier à cet inconvénient que les syndiqués ont demandé aux patrons fourreurs la journée de 8 heures qui permettrait, disent-ils, l’utilisation des inoccupés sans abaisser le salaire. Certaines maisons résistent et ont recours à des subterfuges particuliers. La maison R… par exemple,