Page:La Revue blanche, t26, 1901.djvu/272

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nous avons dit que les ouvriers juifs casquettiers s’étaient mis en grève. Il est à remarquer que presque tous les patrons sont juifs.

« La question de race, me dit un ouvrier juif, est une fumisterie. Tout cède devant l’intérêt. Il faut être journaliste, c’est-à-dire ne rien entendre aux questions du travail pour se figurer qu’un patron a égard à la religion de son employé ou de son ouvrier. Donnant, donnant. Tenez, en ce moment, nous sommes en conflit avec nos patrons, qui sont juifs comme nous, eh bien, les patrons eux-mêmes ont de la peine à s’entendre : les gros seraient bien aises d’aggraver le conflit afin de ruiner les petits, de leur souffler leur clientèle et de rester les maîtres du marché. Et tout ce monde est juif ! Une belle farce la solidarité israélite… Chacun cherche à tirer son épingle du jeu, voilà tout. »

La cause de la grève était celle-ci : dans la plupart des ateliers on avait présenté aux patrons un tarif aux pièces ; la plupart consentaient à faire des concessions ; un seul patron a refusé, ne voulant même pas prendre connaissance du tarif. Devant ce mauvais vouloir, les ouvriers de cet atelier déclarent la grève, tandis que le patron réunit la chambre syndicale de ses collègues, lesquels au nombre de 23 décident de fermer tous les ateliers à dater du 13 septembre. À cette déclaration de guerre, les ouvriers répondent par la grève générale fixée au 12 septembre, un jour avant la date fixée par les patrons. Les revendications étaient nettes : 1o La journée de 10 heures ; 2o les ouvriers de chaque atelier présenteront à leur patron un tarif du prix de main-d’œuvre qui sera mis immédiatement en vigueur ; 3o minimum de salaire de 7 francs pour les bichonneurs ; ceux travaillant aux pièces présenteront leur tarif ; 4o les patrons s’engagent à reprendre tous les ouvriers indistinctement ; etc. Le conflit n’est pas terminé au moment où nous écrivons cette étude. Mais on nous affirme que les petits patrons ne demandent pas mieux que de s’entendre avec les grévistes. Les grosses maisons seules tergiversent.

Nous avons cité l’industrie diamantaire au nombre de celles qui comportent une forte proportion d’ouvriers juifs : 80 % environ, d’après les membres du syndicat. Ils étaient en grève en même temps que les casquettiers.

Voici la cause de cette grève : Depuis deux ans que dure la guerre du Transvaal, le diamant brut a toujours augmenté, de sorte que les patrons n’achetaient que peu ou point de cette marchandise : d’où chômage pour les ouvriers diamantaires. Ce chômage dure depuis plusieurs mois. Or, récemment, la maison M… (un patron juif) rouvrait ses portes à ses ouvriers, et, sans souci de la fameuse solidarité religionnaire proposait aux salariés un tarif qui constitue un rabais d’environ 10 à 15 francs par semaine. Les ouvriers n’ont pas accepté : ils ont fait appel à la Chambre syndicale. Celle-ci les a soutenus. Des communications pressantes ont été envoyées à l’étranger. Le syndicat ouvrier israélite et catholique des diamantaires d’Anvers envoie 500 francs par semaine aux diamantaires de Paris.