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l’ordre de parquer 400 juifs là où, en temps ordinaire, on ne plaçait que 300 chrétiens. À moitié morts, ces pauvres gens débarquèrent à New York où de nouvelles tortures les attendaient. C’est avec horreur que les émigrants se souviennent du Castel Garden, cet immense dépôt des émigrants, ce Purgatoire par où tous les arrivants devaient passer pour avoir le droit de mettre le pied sur le sol des Yankees. On les maltraitait plus que des bêtes : ou ils dormaient dans la cour, même pendant la pluie, ou ils mouraient de faim, ou on les battait et les tuait même, quand, poussés à l’extrémité, ils se révoltaient. » [1]

Ces juifs pauvres sont répandus dans les principales villes des États-Unis, New York, Boston, Chicago, Philadelphie, Baltimore, etc. Heureux de trouver à gagner du pain ils ont travaillé pour un salaire minime et ont subi le sweating system comme à Londres et ailleurs.

Voici un extrait du rapport rédigé par un inspecteur du quartier juif :

« L’inspection a démontré que les maisons habitées par les juifs sont incommodes, humides, très souvent dépourvues d’eau, vieilles sans réparations et entièrement dangereuses au point de vue sanitaire et hygiénique, que les appartements sont humides, sales, infects, très étroits et sombres. La santé des locataires est tout ce qu’il y a de plus mauvais ; l’état des enfants est dangereux dans le cas des fréquentes maladies contagieuses, alors ils meurent comme des mouches. Le salaire de la plupart des locataires descend au minimum. La nourriture est ordinaire, falsifiée et insuffisante. Les enfants sont forcés de travailler : ils aident leurs parents dans la fabrication des cigares ou dans la confection des vêtements, ou bien ils vont à l’âge de 6 ou 7 ans dans les fabriques, qui les tuent physiquement, les anéantissent intellectuellement et les corrompent moralement » [2].

En 1897, dans l’État de New York on a voulu faire des lois contre le « sweating System ». Elles ont échoué. On avait déjà tenté cette expérience à Philadelphie où les règlements avaient été imprimés en caractère hébreux.

Les patrons allèrent dans un État voisin (New Jersey), où ces lois n’existaient pas encore.

Voici des renseignements donnés par Prais. Dans la confection des chemises on paie 40 cents pour une douzaine de chemises ; il faut déduire 6 à 8 cents pour le boutonnier, le « spécialiste » etc. Un ouvrier habile en fait quatre douzaines par jour ; en général, les enfants gagnent 1 dollar ¼, les filles 3 à 5 dollars et les hommes 3 à 7 dollars par semaine. Dans la fabrication des cigares la situation est au moins aussi grave ; depuis l’introduction des machines et l’emploi des femmes et des enfants, un ouvrier gagne de 2 à 5 dollars par semaine… Or, en 1893, dans la seule ville de Philadelphie, 20 000 juifs travaillaient à la confection des vêtements et à la fabrication des cigares [3]. À Pittsburg

  1. Leonty Soloweitschik, Un Prolétariat méconnu.
  2. G. M. Prais, Les Juifs russes en Amérique (Pétersbourg).
  3. Reports etc.