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de la main d’œuvre. M. Soloweitschik l’a fort bien caractérisé : 1° irrégularité du travail ; 2° nombre exagéré des heures de travail ; 3° salaire de famine (starvation-wages) ; 4° état malsain des chambres où le travail s’exécute. Ce système est surtout appliqué dans la fabrication des habits et des chaussures. Or, selon le Report of the Board of Trade… (1888), il y avait de 18 à 20 mille ouvriers juifs qui travaillaient sous ce système. Le nombre a augmenté par suite des émigrations de Russie et de Roumanie [1].

Voici quelques renseignements tirés d’un Rapport présenté au comité de la Chambre des Lords. D’abord la confection des vêtements : un témoin raconte que dans une chambre de 15 pieds sur 9 couchaient un homme, sa femme et leurs six enfants, et dans la même pièce dix hommes travaillaient d’habitude, de sorte que la nuit venue, cette chambre renfermait 18 personnes. Les jeunes filles couchent avec les hommes dans la même chambre. Dans beaucoup d’ateliers le water-closet se trouve dans l’atelier lui-même.

« Les femmes sont assises à moins d’un mètre de ce water-closet, situé dans un coin, non point derrière une cheminée ordinaire, mais derrière un énorme fourneau employé pour faire chauffer les fers, si bien que c’est l’endroit le plus chaud de la chambre. La décence fait absolument défaut et on s’imagine facilement quels sont les effets d’une pareille contamination. » [2].

Soloweitschik a vu dans Old Montagne Street, une cave, où les ouvriers travaillaient à 2 heures du matin et où dormaient la femme et ses trois enfants. L’air était suffocant et les ouvriers assis sur la table pouvaient à peine ouvrir les yeux… Dans les grands ateliers les ouvriers travaillent 12 heures, dans les petits ateliers la limite des heures de travail n’existe pas. Il y a des journées de 18 et 20 heures. Le rapport officiel dit que dans certains cas les ouvriers travaillaient 40 heures sans se reposer. M. R. C. Billing, évêque de Bedford, a vu des ouvriers travaillant dès 2 heures du matin et il les a retrouvés au travail dans la même chambre à 7 heures le lendemain matin. Il est à remarquer que des périodes de chômage mortel succèdent à cette activité dévorante et désorganisatrice. Excès de travail sans repos, excès d’inaction sans pain ! Parlons des salaires. D’après le rapport de M. John Burnett, un ouvrier tailleur peut gagner de 2 sh. 6 pence à 4 sh. par jour. Une femme peut gagner 6 sh. par jour, mais la moyenne est très basse et il arrive qu’elle gagne 12 sh. par semaine (Ch. Booth). Pour une jaquette (ou pour un veston) pour laquelle l’ouvrier recevait, il y a quelques années,

  1. Dès que les émigrants arrivent : ils sont entourés d’une foule de runners (coureurs) qui leur offrent leurs services, les conduisent à Whitechapel ; on leur donne à manger, après les avoir dépouillés et on leur procure ensuite du travail sous le sweating. Même exploitation pour les femmes. Il existe même un commerce spécial, une Société organisée pour vendre les femmes juives de Hambourg, à Londres, d’où on les expédie à Buenos-Aires et ailleurs. Soloweitschik prétend que ce trafic a presque cessé.
  2. Fifth Report from the Select Commitee of the House of Lords on the Sweating System.