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n’importe quoi, même une géométrie, sous forme de phrases de prose césurées exaclément et ponctuées d’une rime, regrette le vers maxime, le vers-aphorisme, le vers oratoire à la façon de la tragédie classique, et, le premier depuis longtemps, il accuse Hugo d’excès de révolte technique, profeste contre l’enjambement, et donne d’excellents arguments à ceux qui veulent établir l’artificialité excessive du vers traditionnel[1].

IV


L’Œuvre du Parnasse n’est pas close, et demain apportera des œuvres ; il est plus que probable que ces œuvres n’infirmeront point les caractères généraux déjà adirmés, et ce sera dans la même voie que les Parnassiens nous donneront des œuvres plus typiques. On peut résumer leur action.

Restitution faite aux autres groupes des personnalités qui leur appartiennent mieux qu’au Parnasse, déduction établie des non-valeurs des acceptations par camaraderie, et en ne comptant que les chefs de file, le Parnasse demeure composé de Glaligny, d’Armand Silvestre, de M. Coppée, de M. Sully Prudhomme, de M. Albert Mérat, de M. de Heredia, de M. Léon Dierx, de M. Catulle Mendès. On voit par cette simple énumération qu’il a fourni deux courants principaux. L’un, familier, bourgeoisant. prosaïsme, est celui de MM. Coppée et Sully Prudhomme. Quelques notables diderences qu’il y ait entre le poète des Humbles, le dramaturge de Pour la Couronne, et le poète des Solitudes et de Justice, ils sont à part des autres Parnassiens par leur dévotion moins grande ou leur talent moins fortifié pour la beauté de la forme. Fervents des principes parnassiens, ils n’arrivent pas à les soutenir d’exemple. En outre, on ne retrouve pas chez les autres Parnassiens la curiosité des fonds populaires, le goût du poème qui peut être récité par une jeune fille, presque du monologue, ni les curiosités d’épopée familiière qui distinguent M. Coppée. La curiosité philosophique des Parnassiens n’a jamais pris non plus le chemin didactique où M. Sully Prudhoinme a tenté ses plus gros efforts : leur philosophie. peu fréquente, a des apparitions courtes, et si M. Sully Prudhomme ne recule pas devant les sécheresses, au moins évite-t-il la galvanisation des dieux hindous. C’est presque par camaraderie que MM. Coppée et Sully Prudhomme sont des Parnassiens ; ils le veulent énergiquement, ils l’ont proclamé, réaffirmé : personne n’a rien à y dire. Bornons-nous à constater que l’élève mental de Lamartine, de Brizeux, de Gautier, d’Hugo, de Musset et de Murger qu’est M. Coppée, et M. Sully Prudhomme, lamartinien scientifique, ont entre eux ce point d’unité de

  1. Il est à noter que M. Sully Prudhomme, après avoir fait grand étalage de la phonétique, déclare, à d’autres pages, qu’il ne faut pas toucher au vers traditionnel, finit de tant de tâtonnements : en parlant de tâtonnements, il admet donc l’empirisme des méthodes qui le créèrent.