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existence tourmentée. Nos plaintes ne sont jamais écoutées. Nous exerçons les métiers les plus vils et les plus bas. Il existe actuellement dans l’Yémen près de 60 000 juifs entièrement abandonnés. La situation est d’autant plus critique que depuis huit ans nous n’avons pas eu de pluies suffisantes. Le prix des vivres a considérablement augmenté et les ouvriers sont sans travail. »

En Palestine le nombre des colonies juives agricoles dépasse 25. Il y a des juifs qui travaillent comme ouvriers sur les champs d’autrui et qui gagnent 1 fr. 50, rarement 2 fr. par jour (Soloweitschik).

Il y a à Tibériade, qui renferme une communauté de 4 à 5 mille habitants, de nombreux artisans israélites, menuisiers, ferblantiers, forgerons, etc. Dans chaque métier il y en à deux ou trois qui gagnent leur vie, les autres végètent pauvrement. Le reste de la population, c’est-à-dire les 2/3, s’occupe de commerce. À part quatre ou cinq maisons de commerce connues, les meilleures d’entre elles ne rapportent que 30 à 40 francs de bénéfice par mois. La plupart des petits commerçants séfardim sont des colporteurs. Le gros de la population croupit dans une pauvreté effrayante. Leurs logements sordides, sans lumière, sans air, leurs vêtements usés en disent suffisamment long sur ce chapitre.

Cette misère noire exerce naturellement une influence très fâcheuse sur l’état intellectuel et moral. De plus, le milieu dans lequel ils vivent et l’éducation qu’ils reçoivent, contribuent pour une part non moindre à déprimer leur esprit. Les superstitions les plus grossières règnent parmi les israélites du pays. Une éclipse de lune se produit-elle, ils courent aussitôt au temple, prier pour leur salut, pendant que les Arabes tirent des coups de fusil sur la lune pour tuer le poisson qui veut l’avaler [1].

EN PERSE

La communauté israélite de Téhéran compte environ 6 000 personnes. Deux ou trois juifs possèdent de 30 à 40 mille francs, tous les autres sont indigents. Voici quelques renseignements fournis par le directeur de l’école de Téhéran :

Les israélites sont forcés d’acheter les maisons qu’ils habitent, à cause du préjugé musulman : tout objet touché par les israélites, toute maison habitée par eux, est devenu impur et impropre à servir à un musulman. Aussi les prix d’achat sont-ils doubles, triples et quelquefois quadruples des prix ordinaires. Dans ces maisons, absence complète de meubles : ni tables, ni chaises, ni armoires, rien. Sur le plancher en terre sont jetés quelques tapis faits de morceaux ajustés et rapiécés. Au fond de la cour un appentis noir et enfumé, c’est la cuisine. Un puits absorbant, sans margelle, sert de lieu d’aisances. Les ordures et balayures sont mises en tas dans un enfoncement voisin de la porte d’entrée et une foi

  1. Bulletin de l’Alliance, 1898.