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d’ouvriers socialistes. (Voir Léonty Soloweitschik : Un Prolétariat méconnu.)

Telle est, brièvement résumée, la situation des juifs pauvres en Roumanie. Voyons à présent ce qui se passe

EN RUSSIE

La loi du 3 mai 1882, qualifiée de temporaire et qui interdit aux juifs de s’établir dans les villages du « Territoire », d’acquérir des propriétés rurales, d’en prendre à ferme ou d’en gérer, a été la cause d’une foule d’expulsions, de la ruine de centaines de mille juifs et a aggravé considérablement la misère de la population juive, en entassant des millions de pauvres dans un espace limité, trop étroit pour les contenir.

On estime à 5 700 000 les juifs de Russie. M. Leroy-Beaulieu écrivait dans le Journal des Débats du 15 août 1890 :

« Parmi toutes les populations de la vaste Russie, je n’ai rien rencontré de plus misérable que ces maigres juifs en longues lévites et en grandes bottes qui cheminent sans repos par les rues et les routes en quête de quelque affaire. On parle beaucoup aujourd’hui du relèvement du prolétariat et de rédemption sociale. Je puis affirmer que dans notre Europe il n’est rien de plus pauvre, rien qui ait plus de mal à gagner son pain de seigle que les neuf dixièmes des juifs russes. »

Nous allons montrer que ce jugement n’est pas exagéré :

Le taux moyen des salaires dans le « Territoire » peut être considéré comme un taux de famine. Les bons salaires moyens, tant dans les fabriques que dans les ateliers d’artisans, ne dépassent pas 3 ½ et 4 roubles par semaine ; les salaires les plus fréquents sont de 2 ½ à 3 roubles ; les salaires inférieurs sont de 1 ½ à 2 roubles par semaine pour les hommes. (Le rouble vaut 2 fr. 70 environ.) Les femmes et les jeunes filles gagnent rarement plus de 6 à 8 roubles par mois, généralement 3 à 4 roubles, quelquefois même 1 rouble ½ seulement. Pour être exact, nous devons dire que, dans quelques bourgades, certaines industries prospères ont donné l’aisance ou rendu la vie possible à des populations indigentes. Mais ces exemples sont rares. Les bas salaires dominent : à Balta, les salaires ne dépassent pas 2 roubles par semaine. À Vranev, sur le Dniepr, il y a, sur 10 000 habitants, 1 500 Israélites. Les salaires moyens sont de 7 roubles ½ par mois.

Mais il y a encore situation plus tragique : les tisserands de Dubrovno (dans la Russie blanche) font un travail quotidien de 20 heures qui leur rapporte 75 kopeks ou un rouble par semaine, pour nourrir des familles de 6 à 8 personnes. Ils sort au nombre de quatre mille, et comme les journées de chômage sont aussi très fréquentes, ils en viennent à regretter ces salaires de famine…

La classe des petits commerçants n’est guère mieux partagée.

À Elisabetgrad, à Mohilev-Podolsk, à Minsk, à Wilna, les petits boutiquiers juifs se contentent de gagner de 2 roubles à 2 roubles ½ par