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LA REVUE BLANCHE


volumes des Parnassiens un aspect un peu hybride. M. Catulle Mendès, au début de sa carrière longue et remplie, fait voisiner Kamadéva, —


L’ombre diminuée
Voit flotter la nuée
De tes parfums ravis
Aux Madhâvis —



les soutras, les aras, les roses radambas, les grands dieux de l’Inde, les personnages de la Saga avec Tin-Si-O-Sai-Tsin, et aussi avec Philis et les petits amours débauchés qui veulent fonder des évêchés dans la Cythère libertine ; il a des chansons espagnoles où luit du clair de lune germanique, et il resserre, en de brefs contes épiques, des crises d’âme héroïque. M. Dierx racontera Henrik le Veuf, en même temps qu’il parlera de la beauté des Yeux ; et chez tous, c’est la même juxtaposition (sauf que M. Dierx n’a manié que le lyrisme soit en effusion de poésie personnelle soit en courtes pièces avec une nuance épique), c’est le même mélange de poésie biblique, légendaire, funambulesque, libertine, descriptive et, plus tard, didactique, grâce à M. Sully Prudhomme, qui, lui non plus, ne marivauda jamais.

Cette simultanéité d’excursions dans des genres différents, ils la tinrent pour variété, et, comme il la fallait expliquer, qu’ils avaient rencontré la conception de Banville, d’après laquelle le poète, artisan averti impeccablement d’un métier, doit pouvoir fournir tout poème pour toute circonstance, et tient en somme sur le Parnasse, ou pour le journal ou pour les particuliers, une échoppe d’écrivain public idéal (conception qui a ses droits), ils se déclarèrent non pas des inspirés, mais des praticiens scrupuleux, savants et indifférents. C’est de ce temps à programme que datent les fières déclarations d’impassibilité procédant de Leconte de Lisle :


La grande Muse porte un péplos bien sculpté
Et le trouble est banni des âmes qu’elle hante



ou le


Nous qui faisons des vers émus très froidement.


Notons-le en passant, cet émotif de Verlaine est, à cette date, bien le plus résolu à mater énergiquement l’inspiration et l’émotion, et son impassibilité du moment prèle au sourire. Mais ces vers, ces aphorismes, ces programmes sont de contenance. Ils travaillent sous les influences précitées qui firent les uns sataniques, les autres épiques, les autres funambulesques, ou plutôt les décidèrent presque tous à toucher à ces cordes diverses, et à alterner l’épopée et le triolet. Souplesse profonde, oui, mais non point don lyrique.

Les vers des Parnassiens ont entre eux des points communs, grâce à leur fidélité aux mêmes principes ; les individualités y font pourtant des différences.

Le vers de M. Mendès, — souple, éclatant, oratoire, théâtral, parfois