Page:La Revue blanche, t26, 1901.djvu/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
LA REVUE BLANCHE


tion du poëte pour Leconte de Lisle et M. Dierx, on ne peut le considérer comme un parnassien : ce serait un néo-classique, avec des recherches particulières de synthèse et de musique.

Quant à M. Rostand, quoique évidemment ses sympathies d’art affichées soient avec le Parnasse, il a trop le goût de l’anachronisme, l’indifférence de la valeur du terme et de la solidité du vers pour qu’on puisse le compter parmi eux. Son lavis est l’antithèse de leur eau-forte, au moins théoriquement. Dans la pratique, il y a avec certains des Parnassiens plus de ressemblances réelles.

Pour être complet, il faut noter l’expansion belge du Parnasse. Georges Rodenbach, dont toutes les volitions d’intimisme et de musique discrète sont opposées à l’art parnassien, aboutissait au vers libre, et sa mort prématurée ne l’a point interrompu avant qu’il n’en ait laissé pour témoignage ce beau livre, le Miroir du Ciel natal. Il demeure donc au Parnasse, de ce côté : M. Iwan Gilkin et M. Albert Giraud, qui sont très exactement de ses fidèles, encore que M. Giraud doive infiniment à Paul Verlaine.

III


Un livre technique apparaît à la maturité du Parnasse : c’est le Petit Traité de poésie française de Théodore de Banville. Ce livre a paru vers 1876[1] ; il n’a pu servir à l’instruction poétique d’aucun des premiers Parnassiens, mais il résume un enseignement oral qu’ils écoutèrent.

D’ailleurs, en ajoutant à la prosodie de Tennint, et en la refondant, et en la noyant autant que faire se pouvait dans de la fantaisie élégante et joyeuse, Théodore de Banville est très prudent : il ne présente son livre que comme un petit manuel destiné aux gens du monde. Il préconise, pour les poëtes, uniquement la lecture des maîtres comme moyen d’instruction, et prétend s’adresser à un candidat au Parnasse qui voudrait faire des vers malgré Minerve. Il y a peut-être là coquetterie d’un grand lyrique, ennuyé de professer et de donner des recettes. D’autres réserves, que le poëte fait pour sa conscience, sont plus importantes : il s’agit pour lui de ne pas fermer son livre sans lui laisser une issue sur l’avenir. Plus près que les Parnassiens de la révolution romantique, plus créateur qu’eux et de beaucoup, il n’a pas, étant un inspirateur, la foi aveugle des adeptes : c’est pourquoi il regrette que la révolution d’Hugo soit restée incomplète, que les romantiques n’aient rien ajouté à cette révolution, que leur rôle y ait été plutôl restrictif. Les concessions faites à l’avenir, il pose son principe de la Rime puissance absolue, le seul mot, dira-t-il, qu’on entende dans le vers ; il la considère comme une néces-

  1. La première édition, clhez Cinqualbre, éditeur fugitif qui donna aussi une réédition d’Arvers et Ompdrailles le Tombeau des Lutteurs.