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Les palefreniers et les employés traitaient le réellement puissant conducteur de la malle simplement selon le meilleur de ce qu’ils croyaient être la politesse, mais le cocher était le seul être devant lequel ils s’inclinaient, le seul qu’ils adoraient. Avec quelle admiration ils le contemplaient en haut de son siège quand il se gantait avec une lenteur délibérée pendant que quelque heureux palefrenier lui tendait son faisceau de rênes et attendait patiemment qu’il le prît ! Et comme ils le bombardaient d’exclamations glorieuses quand il claquait son long fouet, et partait en caracolant.

Les bâtiments de la station étaient des huttes longues et basses, faites de briques couleur de boue séchées au soleil, assemblées sans mortier (les Espagnols appellent ces briques « adobés » nom que les Américains ont abrégé en « dobies »). Leurs toits dont la pente était si faible que ce n’est pas la peine d’en parler, étaient de chaume et gazonnés et recouverts d’une épaisse couche de terre d’où partait une végétation assez luxuriante d’herbes et de plantes sauvages.

C’était la première fois que nous voyions dans une maison la cour au-dessus du grenier. Les bâtiments consistaient en granges, en écuries pour 12 ou 15 chevaux, et en une hutte en guise de salle à manger pour les voyageurs. Cette dernière contenait des réduits pour le chef de station et un ou deux palefreniers. On pouvait s’accouder sur les gouttières et il fallait se baisser avant de passer la porte. En place de fenêtre il y avait un trou carré à peu près assez large pour livrer passage au corps d’un homme, mais il n’y avait pas de vitres. Il n’y avait pas de parquet, mais le sol était en terre battue. Il n’y avait pas de fourneau, mais la cheminée servait à tous les usages. Il n’y avait pas d’étagères, pas de buffets, pas d’office. Dans un coin se dressait un sac de farine tout ouvert, et nichés au pied se trouvaient une couple de cafetières en fer battu, noires et vénérables, une théière en fer battu, un petit sac de sel et un quartier de lard.

À l’extérieur, à la porte de l’antre du chef de station, une cuvette de fer blanc était posée à terre. À côté il y avait un seau d’eau et un morceau de savon jaune en barre ; à la gouttière, une vieille chemise de laine bleue pendait d’une manière significative, mais cette dernière était la serviette particulière du chef de station et il n’y avait que deux personnes dans la société qui auraient pu se risquer à s’en servir, le cocher et le conducteur. Le second ne voulait pas par bienséance ; le premier ne voulait