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de Lisle. comme M. Dierx et M. de Heredia, ou amenés par Charles Baudelaire, comme Léon Cladel. Bref, le Parnasse se constitua d’admirateurs et d’amis de Leconte de Lisle. de Banville et de Baudefaire. M. Emmanuel des Essarts, dans un article énumératoire. dit que ce fut sous ces trois grands arbres un semis de fleurettes bizarres qui s’abritèrent à leur ombre.

Postérieurement à la Légende du Parnasse contemporain, tout récemment, dans les Braises du cendrier, M., Catulle Mendès fait, non sans fierté, le dénombrement de ses frères d’armes : il énumère Glatigny, M. Coppée, Stéphane Mallarmé, Villiers de l’Isle-Adam, Armand Silvestre, M. Albort Mérat, M. Sully Prudhomme, Paul Verlaine, M. Anatole France, M. de Heredia, M. Léon Dierx.

Il faut bien dire tout de suite que Villiers de l’Isle-Adam a plus longé le Parnasse qu’il n’en fit partie ; que l’y ranger, c’est, de la part des Parnassiens, transporter sur le terrain littéraire une amicale contemporanéité. Villiers est un prosateur, il a fait peu de vers, et ses premières poésies, qu’on ne peut considérer comme importantes dans son œuvre, portent surtout l’empreinte d’Alfred de Musset. M. Anatole France n’est point, à proprement parler, un parnassien, étant devenu lui—même un point de départ et dans une orientation si différente. Il voisine par les Noces corinthiennes et ses poèmes, puis il bifurque. Il faut surtout dire et redire que c’est indûment que le Parnasse revendiquerait Mallarmé et Verlaine. Ils ont débuté avec les Parnassiens, d’accord ; mais leur gloire douloureuse et magnifique, ils l’acquirent pour s’en être séparés, en vue d’une vie d’art parliculière qui fit d’eux les précurseurs du Symbolisme. Stéphane Mallarmé rêva la courbe d’art qui le mena, d’une volonté de faire aboutir logiquement l’idéal du vers selon Gautier et Baudelaire, au vers libre[1].

Paul Verlaine se prit à chanter à sa guise et à tordre métaphoriquement le cou à la rime, ce bijou d’un son selon lui, ce kohinnor d’après les Parnassiens. Il faut, d’ailleurs, admettre que le Parnasse est, sur ce point, peu cohérent dans ses dires, car, dans la Légende du Parnasse contemporain. Verlaine et Mallarmé ne sont admis que très sur la lisière. M. Catulle Mendès, en reconnaissant la beauté des Fleurs de Mallarmé ou des sonnets de Verlaine, déclare, en 1884, qu’il conçoit seulement la technique de Mallarmé, sans l’admettre, et dit, à propos de Verlaine, que les Fêtes Galantes font preuve d’une meilleure santé intellectuelle que les Poèmes Saturniens. C’est le droit absolu de M. Catulle Mendès d’indiquer une démarcation, et cela fait l’éloge de sa crilique d’avoir tout de suite senti une antinomie, mais alors pourquoi, depuis, cette revendication obstinée ?

Cette coupe nécessaire faite, on trouverait comme principaux Par-

  1. Malgré que de très jeunes critiques l’ignorent, la dernière publication poétique de Stéphane Mallarmé est en vers libres. C’est : Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, poème paru dans Cosmopolis, et qui devait être le premier d’une série de dix poèmes en vers libres. La mort interrompit.