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LE PARNASSE ET L’ESTHÉTIQUE PARNASSIENNE
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jeunes poëtes du Parnasse étaient fortuits. Baudelaire, épris de musique autant que de plasticité, cherchant un vers d’une sonorité encore plus suggestive que pleine, devait leur plaire parce qu’il les avait devancés dans la lutte contre les lamartiniens et les mussettistes aux expansions fluentes ; ils le goûtèrent aussi en tant que critique, mais ne le comprirent pas entièrement ou ne l’adoptèrent pas à fond ; l’indifférence de Baudelaire pour les dieux hindous, les runes, les armures y fut pour quelque chose. Ils ressentirent toujours envers lui un peu de ce sentiment de gêne qui dictait à Sainte-Beuve et à Théophile Gautier, lorsqu’ils parlaient de Baudelaire, des paroles restrictives, disant que Baudelaire s’était fait, sur les confins du romantisme, une yourte ou telle autre construction barbare : ceci provenant, chez Sainte-Beuve, d’une défiance contre le satanisme, dont il craignait l’influence peu littéraire, et à bon droit, et, chez Gautier, d’étonnement devant un homme qui éliminait du romantisme toute couleur plaquée et infirmait ainsi, pour son compte, une partie des acquisitions d’Hugo, la plus visible, celle qu’adopte le plus Leconte de Lisle. Néanmoins l’influence de Baudelaire exista, pour le fond et les sonorités, chez M. Léon Dierx, s’affirma chez Villiers de l’isle-Adam, qu’on ne peut tenir pour un parnassien, et on la retrouve sur des points de détail que nous verrons tout à l’heure.

Leconte de Lisle et Banville, eux, furent bien les initiateurs du Parnasse, à tel point qu’on les compta parmi et en tête des Parnassiens.

Il est une indication pourtant qu’il faut tenir pour exacte, puisqu’elle est à la fois d’un contemporain informé et d’un intéressé : M. Catulle Mendès, dont nous pouvons admettre comme source historique la Légende du Parnasse contemporain, les considère comme des aînés, comme des romantiques (d’un troisième ban du romantisme), et fait dater l’existence du Parnasse de la rencontre des admirateurs de ces derniers poëtes, admirateurs qui sont et Glatigny, et M. Mendès lui—même, et M. Coppée, M. Dierx, Armand Silvestre, Verlaine, Mallarmé, ces deux derniers revendiqués à tort, puisqu’ils s’évadèrent, indiqués avec raison puisqu’ils débutèrent là, Villiers de l’Isle-Adam, M. Sully Prudhomme, M. Xavier de Ricard, M. Léon Valade, M. A. Mérat, M. Ernest d’Hervillv.

M. Catulle Mendès indique comme recrues, comme adhérents du lendemain, M. Anatole France, M. Jean Aicard, M. André Theuriet.

Ainsi donc, le premier parnassien, c’est Glatigny, le réel Brisacier incarnant les légendes du Chariot de Thespis, apprenant à lire par amour, rencontrant par hasard les Stalactites de Théodore de Banville et s’en énamourant, poëte agile, aimable, ému, souriant et dont on cherche, non sans raison, à créer dramatiquement la légende. M. Catulle Mendès y trouvera vraisemblament le Cyrano du Parnasse.

Puis ce fut M. Catulle Mendès, et des poëtes qui se trouvèrent aux bureaux de sa Revue fantaisiste ; ce furent des débutants qu’on adopta, comme M. Coppée, des poëtes qui fréquentaient chez Leconte