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ouvriers, ou presque tous, sans foi en Dieu et en sa loi, sont eux-mêmes des propriétaires, des capitalistes, des spoliateurs à leur façon.

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Ainsi, pour que les ouvriers se débarrassent du joug et de l’esclavage, leur faut-il élever en eux le sentiment religieux qui défend tout ce qui empire la situation générale de leurs frères. Il leur faut s’abstenir religieusement — comme certains hommes s’abstiennent maintenant de manger du porc, de faire gras en carême, de travailler le dimanche, etc. — 1o de travailler chez les capitalistes s’ils peuvent vivre sans cela ; 2o de proposer de travailler à un prix moindre que le taux établi ; 3o d’améliorer leur situation en passant du côté des capitalistes et en les servant ; et 4o de participer à la violence gouvernementale, en qualité de policier, de douanier ou, en général, de militaire.

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VIII


Il est dit dans l’évangile que Christ prit pitié des hommes parce qu’ils étaient accablés et dispersés comme des brebis sans pasteur.

Qu’éprouverait-il maintenant, en voyant les hommes non seulement accablés et dispersés comme des brebis sans pasteur, mais des millions d’hommes du monde entier, génération sur génération, se perdre eux-mêmes par un travail animal, dans l’abrutissement, l’ignorance, les vices ; s’entre-tuer, se tourmenter, bien que le moyen de s’affranchir de tous ces maux leur ait été indiqué depuis déjà deux mille ans ?

La clef qui ouvre le cadenas de cette chaîne par laquelle est lié le peuple travailleur, est posée près de lui, il n’a qu’à prendre la clef, ouvrir le cadenas et être libre. Mais jusqu’ici les ouvriers ne font pas cela et, ou bien ils n’entreprennent rien et s’abandonnent au découragement, ou bien font effort, en se meurtrissant les épaules, dans l’espoir de rompre d’un coup la chaîne qui ne peut se briser, ou, ce qui est encore pire, agissant comme un animal enchaîné qui s’élance sur celui qui veut le mettre en liberté, ils se jettent sur ceux qui leur montrent la clef qui ouvre la serrure de leur chaîne. Cette clef, c’est la foi en Dieu et en sa loi.

Seulement, quand les hommes rejetteront les superstitions dans lesquelles on les élève soigneusement ; quand ils croiront que la loi : fais aux autres ce que tu veux qu’ils te fassent — est, pour notre temps, la loi principale de Dieu ; quand ils observeront cette loi comme ils se soumettent maintenant à l’observance du Sabbat, des jeûnes, des messes, des cérémonies religieuses, des communions, des prières répétées cinq fois, etc., et, croyant en cette loi, l’observeront avant toutes autres lois et décrets, alors seulement ils détruiront l’esclavage et la situation misérable des ouvriers.

C’est pourquoi les ouvriers eux-mêmes doivent, avant tout, sans regretter les vieilles habitudes et la tradition, et sans avoir peur des