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dire quelle est la chose convenable, attendu qu’il sest élevé aux fonctions d’illustrateur par excellence de notre monde de papier-journal.

Si de cette transformation du monde poétique en un monde littéraire journalistique, nous passons à celle que le monde a éprouvée dans la forme et dans la couleur nous rencontrons des faits identiques.

Qui donc serait assez présomptueux pour croire qu’il peut se faire une idée réelle de la grandeur et de la divine sublimité du monde plastique de l’antiquité grecque ? Un regard sur le moindre fragment des débris de ce monde, nous fait ressentir avec un frisson que nous sommes là en présence d’une vie que nous ne pouvons juger faute d’élément de comparaison. Cette époque s’est acquis le privilège d’enseigner à tous les temps, par ses seules ruines, comment il serait possible de rendre quelque peu supportable au monde ce qui lui reste à parcourir de sa carrière. Nous devons aux grands Italiens d’avoir donné une vie nouvelle à cet enseignement et de nous avoir noblement servi d’intermédiaires entre le monde antique et notre nouveau monde.

Ce peuple doué d’uns si riche fantaisie, nous le voyons se consumer entièrement dans le soin passionnée de cet enseignement ; après un siècle admirable, il sort de l’histoire, qui, dès lors, s’empare, par erreur, d’un peuple, en apparence, parent, comme pour voir ce qu’elle pourra tirer de ce peuple pour la forme et la couleur du monde. Un prince de l’Église, habile homme d’État chercha à inoculer à l’esprit français l’art et la culture italiens, après que, chez ce peuple, l’esprit protestant eut été totalement extirpé : les plus nobles têtes du protestantisme étaient tombées et ce que les noces de sang parisiennes avaient épargné avait été soigneusement brûlé jusqu’à la racine. Avec le reste de la nation, on procéda alors « artistiquement » ; mais comme toute fantaisie lui échappait ou l’avait déjà quittée, le sens créateur ne voulut se montrer nulle part, et elle resta notamment incapable de donner l’œuvre d’art ; on réussit mieux à faire du Français lui-même un homme artificiel. La notion artistique, qui échappait à sa fantaisie, devint chez lui représentation artificielle de l’homme même. Cela pouvait passer pour antique, si l’on admettait que l’homme en soi-même doit être premièrement artiste avant que de produire des œuvres d’art. Qu’un roi élégant et adoré donnât l’exemple d’une manière d’être infiniment délicate en toutes choses, il était facile, par une gradation descendante ayant le roi pour origine et pour second degré la noblesse, d’amener enfin le peuple tout entier à adopter des manières élégantes. Dans le soin qu’il y apporta et qui devint rapidement chez lui une seconde nature, le Français put sembler supérieur à l’Italien de la Renaissance, en ce sens que l’Italien n’était que créateur d’œuvres d’art, tandis que le Français était devenu lui-même une œuvre d’art.

On peut dire que le Français est le produit d’un art particulier de s’exprimer, de se mouvoir, de s’habiller. La loi en cela est « le goût ». Un mot qui provient d’une des fonctions les plus inférieures des sens a été appliqué à une tendance d’esprit. Avec ce goût, il se goûta lui-même tel