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relever leur crédit grâce au prestige de la mission qui est au-dessus de la justice, des individus sans aveu, enfin tout ce qui vit en marge de la société, se laisse facilement convertir. Tout naturellement cette commune (en Chine rien n’est possible autrement) devient une association solidaire bien plus en matière économique qu’en matière religieuse. Quant aux missionnaires ils deviennent presque malgré eux les chefs de cette association : deviennent conseillers d’administration, deviennent commerçants. C’est alors que se marque la qualité de l’intérêt porté par l’Église aux missions chinoises… Du commerçant à l’exploiteur il y a peu de distance. D’association à la bande de conspirateurs il n’y en a pas d’avantage. De l’exploiteur au criminel il n’y a plus qu’un pas. De la conspiration à la bande de criminels c’est la même chose. Si, par surcroit, il est avéré que ni le grand criminel ni la bande de criminels n’est justiciable de la justice du pays, et que, pour comble d’ignominie, il soit décrété publiquement que l’un comme l’autre ne sont justiciables que de la justice appliquée par les criminels-chefs eux-mêmes — qu’on imagine ce qu’un peuple européen fera. Il se fera justice lui-même. La Chine a le droit, le devoir de faire de même. La situation des missions en Chine est celle de ces criminels-chefs.

Leur caractère a d’ailleurs été maintes fois dépeint. Il est, du reste, le même pour les protestants que pour les catholiques, avec cette différence toutefois que les protestants, qui ne sauraient assimiler leurs pratiques aux habitudes chinoises autant que les catholiques, se voient obligés de travailler avec un peu moins d’hypocrisie. La façon de procéder et la nature des associations chrétiennes en Chine une fois définies, on s’explique comment les excès extrêmes ont pu être atteints récemment par les ecclésiastiques. Ces excès sont, quant à leur genre, suffisamment résumés dans les deux documents qui suivent. Leur provenance est la même que celle des documents publiés ici-même il y a un mois **.

lettre personnelle expédiée de la ville de tchang-tzia-gou, le 2 février 1901 à m. ou-sse-gong, représentant de la maison bao-tchouen-chang au maï-maï-tcheng d’ourga  [1].

Vénérable beau-père ! Au moment où j’écris cette lettre vous aurez sans doute reçu mes deux lettres, et vous saurez quels lamentables événements ont frappé votre famille et tout le

  1. Voir La revue blanche du 15 juin 1901, p. 277, notes 1 à 3.

**. Revue blanche du 15 juin 1901. Les notes serviront à généraliser l’intérêt des indications contenues dans les lettres.