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inculquer plus facilement au peuple l’esprit chrétien ; que c’est le baptême qui rend chrétiens les adhérents des missions, et que le reste importe peu. Fort bien ; mais on fait semblant d’ignorer que la cérémonie même du baptême est d’invention bouddhique : d’ignorer qu’une cérémonie de ce genre est pour le Chinois la cérémonie d’adhésion à n’importe quelle « société secrète ». C’est cette cérémonie justement qui fait la ressemblance pour les Chinois d’une commune chrétienne avec toutes autres sociétés secrètes, lesquelles poursuivent toutes des objets incompatibles avec le droit chinois et, mutatis mutandis, tiennent en Chine l’emploi justement des congrégations ou, si l’on veut, des ordres maçonniques en France ; on feint de croire, surtout, que les missions cherchent à faire vivre l’idée chrétienne dans l’âme des convertis. Or, comment serait-ce possible ? Le culte est extérieur, mais il est tout. Si l’on « convertit » le Chinois, on lui fait accepter le culte. C’est là que s’arrête l’action psychologique du missionnaire. Pour le reste, le Chinois ne le comprendrait même pas. Le missionnaire lui dira la splendeur de l’amour du prochain : le Chinois lui récitera mille vers de ses classiques qui ne le cèdent en magnificence à aucun passage de l’Évangile. Si on lui expose la dogmatique de l’Église romaine, le Chinois ou bien demandera des « preuves » ou bien simplement à quoi elle lui servira. Qu’on veuille lui démontrer qu’il faut appliquer le principe de la charité chrétienne : le Chinois ouvrira la main… Nous voici au point essentiel.

L’entrée du Chinois dans la commune est une affaire tout extérieure. Mais cette entrée comporte le désavantage d’être affilié à une association qui est en dehors de la loi chinoise. Ce désavantage doit être compensé : il l’est par l’appui financier et par l’injuste protection des ambassades qui permet de perpétrer tous les méfaits sans avoir à redouter l’intervention de la justice chinoise.

Ces indications aident à découvrir où réside l’intérêt de l’Église romaine à appuyer ses missions en Chine. Que ce soit véritablement la propagation de la foi catholique, on peut le croire à Rome et peut-être même dans les ambassades de Pékin qui sont les endroits les moins renseignés du monde sur tout ce qui concerne la Chine. On peut même, à la rigueur, imaginer un jeune missionnaire, nouveau-venu, plein de préjugés, et ignorant, qui croit travailler à la plus grande gloire du dieu des catholiques. Mais les véritables missionnaires et leurs directeurs ne sauraient arguer de leur bonne foi. La mission, en tant qu’elle revêt encore un caractère religieux, ne fait au plus que chasser au prosélyte, — surtout en présence des rivaux protestants. Alléchés par la perspective de faire partie d’une société puissante et riche qui manifeste son amour du prochain (s’il est affilié) dans la forme la plus concrète, séduits en outre par la facilité de s’assimiler les pratiques de cette société qui ne demande même pas de serments terribles et pouvant entraîner des responsabilités graves, des personnes pauvres qui ne demandent qu’à se lancer, des banqueroutiers qui voudraient