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L’œuvre des Missions chrétiennes en Chine
documents chinois et observations

Ce qui devrait surtout retenir à présent l’attention de ceux qui étudient la question chinoise et ses origines, c’est l’œuvre politique des missions chrétiennes en Chine. Ce n’est pas que leur œuvre civilisatrice soit nulle : elles ont, au contraire, fourni à la nation chinoise les plus précieuses indications et l’ont ramenée, en haine de la pseudo-barbarie européenne, aux vénérables notions primitives de sa tradition nationale. Mais, pour les occidentaux qui ont provoqué le choc pernicieux, la question est entière dans le point de vue politique.

De ce point de vue, la situation désastreuse des occidentaux en Chine est presque caractérisée déjà par le nom que le Chinois applique à ceux qui ont la prétention d’introduire la religion chrétienne dans le système quasi-parfait de la société chinoise. On appelle les missionnaires Tchouan-hsi-tziao-chi : savants propageant la doctrine d’Occident.

La signification politique de cette expression est qu’elle ne saurait concerner des missionnaires russes.

Le contact séculaire et relativement intime de la Russie avec la Chine aura eu deux conséquences capitales : le Russe n’est pas pour le Chinois l’Occidental au même titre que les autres Européens, il est le voisin Septentrional, et le Russe connaît trop bien la civilisation chinoise pour prétendre agir sur l’esprit populaire par le moyen d’un mysticisme tenu pour vain par les moralistes chinois d’il y a trente siècles.

La Russie n’a pour ainsi dire pas de missions en Chine. Son établissement religieux à Pékin a un rôle bien différent des établissements occidentaux. Il constitue, près la Cour impériale, une sorte d’ambassade spirituelle du genre de celles que, dans les temps anciens, le patriarche des nestoriens et le cheïkh-oul-islam des Chiites entretenaient à la cour des empereurs mongols. Cette mission russe a eu surtout pour objet jusqu’à présent de publier des dictionnaires ou tels livres de grande portée scientifique : c’est en réalité la légation du pape orthodoxe (lequel est le Tsar) près le Fils-du-Ciel en tant qu’il porte ce titre symbolique de chef spirituel suprême de la nation chinoise.

L’orthodoxie russe n’est expansive qu’en Europe. En Asie, le Tsar affecte d’être pape orthodoxe pour les Russes, cheïkh-oul-islam pour les musulmans et royamtso-lama pour les bouddhistes. C’est tout le secret de la puissance russe en Asie. Il semble qu’on le devine en Occi-