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la production de 13 % au commencement de l’année 1901 ont décidé de porter la réduction à 25 % par l’arrêt de 8 500 métiers, et ils ont demandé à tous les tisseurs d’Allemagne d’adhérer à leur décision. Le contre-coup de ces grandes grèves patronales se révèle dans l’abondance des demandes de travail : ainsi sur 100 offres de travail, il y avait en mai 1900, 106,6 demandes, or en mai 1901 il y en a eu 145,9.

En Autriche, à la suite d’une concurrence effrénée dans l’industrie du meuble, les patrons restreignent la production et réduisent les salaires de 10 et 20 % du salaire moyen. Dans le bâtiment lock-out de presque tous les ouvriers durant les trois premiers mois de l’année.

Aux États-Unis où l’on signale, déjà, un arrêt de 25 % de la production dans les fontes, s’ajoutent les grandes grèves patronales qui sont la conséquence du gigantesque trust de l’acier formé par les établissements Carnegie, Morgan et Moore. « The United States Steel Corporation » (c’est le nom du trust) au capital de 5 milliards ½ de francs, dispose désormais de 78 hauts fourneaux, possède 146 aciéries, est maître des mines du Lac Supérieur, d’une puissance de 500 millions de tonnes qui rapportent déjà 11 millions ½ de tonnes, notamment celles de la « Minnesotadron Company » (2 900 000 tonnes), de l’ « Ovir Iron Mining C° », (4 500 000 tonnes), du « Lac Superior Consolidated C° », (1 400 000 tonnes), dont M. John D. Rockfeller, le président du syndicat des pétroles, est le plus fort actionnaire.

Ce trust aux proportions inconnues dans l’histoire économique du monde, dispose en outre de 18 309 fours à coke, est propriétaire de 28 800 hectares de mines de charbon et 12 000 hectares de mines de houilles à coke. Enfin le trust possède deux lignes de chemin de fer, un port d’embarquement, et une flotte de 125 navires de gros tonnage [1]. À l’annonce de cette coalition des rois des métaux, les ouvriers américains ont songé à se coaliser au nombre de plus de deux cent mille [2]. Mais les rois triompheront. Ils ont abattu déjà vingt mille têtes. Le Times du 30 juin nous apprend, en effet, la mise à pied de vingt mille ouvriers d’une des Compagnies du trust de l’acier. C’est la grève patronale la plus gigantesque qui ait existé et la presse des États-Unis garde un étrange silence.

Du reste la situation ouvrière est partout désastreuse. Ainsi le Labour Department anglais qui annonçait 380 hauts fourneaux en marche en mai 1900 en accuse seulement 300 en mai 1901. Cet arrêt de la production se manifeste par un accroissement effrayant de chômage.

En France, dans la Loire, le tissage mécanique de cotonnades, subit un ralentissement qui favorise la hausse du prix des cotons : en même temps, Roanne accuse officiellement 15 % de tisseurs en chômage, les autres ne font que cinquante heures par semaine au lieu de soixante

  1. Renseignements donnés par M. Bruwaert, consul général de France à New-York.
  2. Communication du consul de France à Chicago.