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Ce qui frappe surtout, c’est le fait qu’on ne parle, dans la Chine septentrionale au moins, presque plus des Anglais. On n’en fait mention que quand on stigmatise les procédés commerciaux et autres des missionnaires heureusement mis à la porte. Leur prestige est maintenant absolument nul. Les horreurs allemandes les auront vite fait oublier, et dans le temps encore assez lointain où l’on pourra s’occuper dans le malheureux pays, de travaux pacifiques, ils paraîtront toujours au peuple dans une lumière beaucoup plus sympathique que les Allemands. À quelque chose malheur est bon.

Quant aux Français, je ne les ai trouvés qu’une seule fois, et heureusement à une occasion honorable relatée dans le document suivant. Il convient cependant d’ajouter que dans les autres occasions où Français et Allemands ont marché ensemble, c’est probablement le plus grand prestige criminel des Pous qui fait qu’on ne parle pas des Fats.

lettre personnelle expédiée de tching-ting[1], le 19 décembre 1900, à monsieur i-tsai-ming, à erdeni-tsiou[2].

Mon honorable frère aîné ! Le ciel soit loué : vous ne séjournez pas, par ces temps troublés, à l’intérieur de la Grande Muraille[3]. Car nos malheurs sont extrêmes. Je vous écris cette lettre pour que vous sachiez où il vous faudra adresser le courrier ayant trait à la société Ko-loun[4]. Et j’écris en hâte. La communication avec la direction centrale est impossible. Depuis ma dernière lettre, le pays a subi l’invasion des Transocéaniens, qui se sont conduits (hélas ! les peuples nomades et brutaux qui tombent sur notre nation pacifique ont toujours montré le même caractère) plus odieusement presque que ces Mongols dont parlent les annales de la dynastie Ming. Car ces Transocéaniens ne se contentent pas de tuer et de piller tout simplement : mais ils arrivent en amis, et une fois tout arrangé, ils commettent, en ne tenant plus compte des engagements qu’ils viennent de prendre, les pires outrages à l’humanité.

  1. L’auteur de la lettre, établi à Pao-ting, s’est réfugié à Tching-ting, ville considérable sur la grande route de Pékin à Hsi-ngan, par Taï-yuan.
  2. Un des plus grands monastères bouddhiques mongols, plutôt une ville, sur l’Orkhon. Le destinataire est un caissier qui fait rentrer les dettes des acheteurs mongols. Le Chinois est l’exploiteur usuraire des Mongols.
  3. C’est la Chine proprement dite. L’ « extérieur » comprend d’abord les États tributaires, Mandchourie, Mongolie, Turkestan, Thibet, qui se trouvent maintenant sous le protectorat russe ; et puis les autres pays.
  4. C’est un puissant syndicat, société coopérative de production. Elle s’occupe de l’exportation. Ces organisations sont le secret de la force chinoise ; elles ont ruiné, rendu inutile le capitalisme et devancé le socialisme.