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permanents ou croissants — ont permis à l’antisémitisme, au nationalisme, au catholicisme social, au néo-césarisme et même au socialisme, c’est-à-dire à toutes les formes admises du mécontentement, d’apparaître ou de s’imposer.

Quand le malaise est extrême, on devient agressif et crédule : on s’en prend aux juifs, aux jésuites, aux généraux, aux francs-maçons, aux parlementaires, aux protestants, aux métèques, au gouvernement, à Rothschild, à Rochefort, aux époux Deschanel, à Gyp, etc., etc. Tandis que les uns et les autres ne sont que des jouets, des dupes, des profiteurs ou des victimes.

Le 5 janvier 1897, dans une discussion à la Société d’Économie politique, un économiste distingué prononçait ces graves paroles :

La France a en trop cinq ou six millions de travailleurs.

Nous disons, nous : cinq à six millions d’êtres qui ont terminé leur rôle historique. C’est l’ère du travail humain qui se ferme. Les peuples traversent une crise sans exemple dans l’histoire universelle : ils s’appauvrissent au sein de l’abondance. C’est dans les pays les plus riches (les États-Unis et l’Angleterre) que le paupérisme est le plus intense. Et l’on est en droit de se demander si nous marchons vers une servitude nouvelle ou une liberté inconnue.

Henri Dagan