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le bagne militaire d’oléron
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balai et muni de cordes dont les bouts se nouent derrière la nuque. Une courroie peut faire l’office du morceau de bois.

Passage à tabac, etc. — Voici un extrait d’une lettre qui nous est parvenue l’année avant-dernière, d’un ancien camarade de la première compagnie de discipline :

« Dans la nuit du 21 septembre 1898, quatre hommes, las d’un régime particulièrement pénible, régime qu’ignore le public, s’évadaient du dépôt d’Oléron par une fenêtre donnant sur la mer et dont ils avaient scié un barreau.

« Les préparatifs de cette tentative hardie se firent dans l’obscurité et en secret ; l’évasion ne fut connue des hommes du dépôt qu’après son exécution. À la première ronde de nuit, à dix heures, l’officier constata la fuite des quatre fusiliers et put se rendre compte des voies et moyens employés par eux.

« Aussitôt il fait réveiller les hommes, les envoie aux locaux de discipline, les fait mettre aux fers, aux poucettes et à la crapaudine. À midi, les disciplinaires étaient encore dans les mêmes tortures.

« L’un d’eux, le fusilier Delacroix, a même été frappé violemment par un caporal qui voulait, à force de coups, l’obliger à parler.

« Toutes ces mesures de violence étaient prises pour obtenir la dénonciation de complices soupçonnés.

« Or, parmi ces hommes, la plupart étaient restés étrangers à l’évasion.

G. Peuvet,
fusilier disciplinaire des colonies.

Les quatre disciplinaires qui avaient tenté de s’évader, furent repris. À leur retour, ils furent affreusement maltraités par les gradés.

Un lieutenant donnait l’exemple en frappant un des prisonniers à grands coups de pied dans le ventre : comme les caporaux et les sergents ne semblaient pas déployer une sauvagerie suffisante, il leur cria :

— Mais cassez-leur donc les membres, nom de Dieu !

Un jour, les disciplinaires ayant été plus malmenés que de coutume, une révolte éclata dans les casemates ; ils refusèrent d’aller au travail et à l’exercice, et se barricadèrent dans les souterrains. Comme ils ne voulaient céder que contre une promesse formelle de meilleure nourriture et de meilleurs traitements, le commandant Dagnau fit paraître au rapport du dépôt la note suivante :

« Oléron, le 26 juin 1898.

« Lorsque des faits comme ceux d’hier se renouvelleront, il y aura lieu de chauffer de l’eau dans les grandes marmites de la cuisine et de la projeter à l’aide de la pompe à incendie sur les mutins. On pourrait également brûler de la paille et du soufre par les vasistas, de manière à enfumer la chambre et obliger les disciplinaires à ouvrir leur porte.

« Il est bien entendu que l’argent dépensé à l’achat de soufre, paille et charbon serait supporté par l’argent de famille des mutins. »