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Cependant, au même loisir que l’amble humain de la litière octophore, la femme de César épousa légalement Silius.

À Rome, le consentement des époux et de ceux dont ils dépendaient suffisait au mariage. Les cérémonies nuptiales étaient accessoires.

Mais une femme passait en la puissance paternelle de son mari (in manum conveniebat), sous sa tutelle et devenait sa propriété comme un objet mobilier, de trois manières : usu, coemptione, farre.

Par l’usage : quand, mariée, elle était restée un an révolu chez son mari, elle lui était acquise par usucapion.

Par la coemption : le mari l’achetait, avec toutes les formalités d’une mancipation fictive, comme une chose.

Par la confarréation. Et c’est ce mode d’union que choisit Messaline, en présence de dix témoins, entre les mains du souverain pontife et du flamine de Jupiter, ϰατὰ τοὺς ἱεροὺς νόμους. Et l’on sacrifia aux dieux un gâteau du blé nommé far.

Pendant ce temps-là Claude priait Castor, protecteur des blés, que le far ne manquât point à Rome.

La confarréation était l’union indissoluble, sans divorce possible. C’était une longue cérémonie qu’un coup de tonnerre, présage néfaste, pouvait rompre, mais Claude était exaucé de Castor !

Silius avait divorcé la veille avec Junia Silana.

Quant à Messaline, épouse pour la vie de Silius, elle n’abdiqua point l’union de César ni ne souhaita la mort de Claude César.

La maintes fois meurtrière laissait grâce dans son cœur, assez infini pour la générosité, à tous les amours passés, et ne reconnaissait au veuvage que cette commodité de calendrier, flétrie par Sénèque, de pouvoir dater des différents maris et non des consulats. Car si une femme, qui apprend par son sexe, est capable de se souvenir du nom de ses époux, elle n’est pas informée de tous les consuls : il y en a qui sont morts, ou loin, ou eunuques, et ils sont tous doubles.

Et elle se persuada en si absolue sincérité que l’amant de la minute présente était son légitime mari, qu’elle prit des dispositions pour célébrer de même sorte, dans l’ordre de ses futurs amours, mais sans renoncer aux antérieurs époux, une pluralité de justes et indissolubles noces.