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L’autorisation première n’étant plus possible pour des ordres dont quelques-uns étaient séculaires, le pouvoir royal n’en maintient pas moins le principe, en le faisant dévier, il est vrai, vers une tutelle de plus en plus étroite pour arrêter le développement de leurs biens et même — les édits de janvier 1629, de juin 1671, d’avril 1695, de mai 1766, d’avril 1767, de mars 1768 en sont la preuve — pour exercer sur leurs règles et leur institut une autorité de plus en plus étroite.

Par la force des choses les rois « très chrétiens » deviennent les défenseurs de la société laïque.

Louis XIV, dans ces notes brèves qu’il écrivait ou dictait au jour le jour et qui devaient servir plus tard à la confection de ses mémoires, a écrit ce qui suit en 1666 :

« Détail à savoir… de l’inutilité des moines ; ceux qui servent pour les âmes. Distinguer.

Double mal… de la dissolution des moines. La difformité et le scandale public. L’attrait pour faire entrer plusieurs personnes dans cette profession inutile par soy, stérile pour le bien d’un estat.

Mon devoir : réduire le nombre de cette profession à ceux qui servent à l’instruction des peuples et à l’administration des sacrements ou qui, par une austérité exemplaire font un grand exemple.

Ce n’est pas d’aujourd’hui que les Roys se sont employés à la réforme. »

La pensée de Louis XIV est l’inspiration directe des lois révolutionnaires.

Les cahiers des États-Généraux, fidèle écho du sentiment public, nous montrent que la nation partageait et les sentiments du pouvoir royal et les idées de la commission des réguliers.

Beaucoup réclament la stricte observation de l’édit de 1768. Si ceux de l’ordre du clergé défendent, en général, les congrégations, toujours, en revanche, ils abandonnent les ordres mendiants. Quelques-uns, dans l’ordre de la noblesse, plus encore, dans l’ordre du tiers demandent la suppression des communautés.

Les vœux généraux sont résumés dans les deux suivants des cahiers de Paris, intra muros.

« Demandez au Pontife suprême de l’Église, dit le cahier de la noblesse, la suppression de cette foule immense d’ordres religieux des deux sexes qui surchargent depuis tant d’années le sol de votre royaume. Jusqu’à quand ces pieux fainéants subsisteront-ils aux dépens de la portion active et laborieuse de vos sujets, sans aucune utilité, sans aucun dédommagement pour eux ? »