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fonds considérables, le feu Roy, notre très honoré seigneur jugea qu’il était nécessaire d’y mettre des bornes et il régla, en l’année 1703, que chacun des ordres religieux établis dans ses îles, ne pourrait étendre ses habitations au delà de ce qu’il faudrait de terre pour employer cent nègres… nous ordonnâmes, par nos lettres patentes du mois d’août 1721, qu’ils ne pourraient à l’avenir faire aucune acquisition, soit de terres, soit de maisons, sans notre permission expresse et par écrit, à peine de réunion à notre domaine. »

« L’état actuel de toutes nos colonies exige de nous des dispositions encore plus étendues sur cette matière. Quelque faveur que puissent mériter les établissements fondés sur des motifs de religion et de charité, il est temps que nous prenions des précautions efficaces pour empêcher qu’ils ne puissent multiplier des acquisitions qui, mettant hors de commerce une partie considérable des fonds et domaines de nos colonies, ne pourraient être regardées que comme contraires au bien commun de la société ».

Et l’édit du 25 août 1749 signale et condamne des pratiques que nous retrouvons de nos jours.

Le préambule, fort long, remarque « les inconvénients de la multiplication des établissements des gens de mainmorte et de la facilité qu’ils trouvent à acquérir des fonds naturellement destinés à la subsistance et à la conservation des familles. »

Il ajoute :

« Elles ont souvent le déplaisir de s’en voir privées, soit par la disposition que les hommes ont à former des établissements nouveaux qui leur soient propres et fassent passer leur nom à la postérité avec le titre de fondateur, soit par une trop grande affection pour des établissements déjà autorisés, dont plusieurs testateurs préfèrent l’intérêt à celui de leurs héritiers légitimes. Indépendamment même de ces motifs, il arrive souvent, que, par les ventes qui se font à des gens de main-morte, les biens immeubles qui passent entre leurs mains, cessent pour toujours d’être dans le commerce, en sorte qu’une très grande partie des fonds de notre royaume se trouvent actuellement possédés par ceux dont les biens, ne pouvant être diminués par des aliénations, s’augmentent au contraire par de nouvelles acquisitions. »

L’édit poursuit en montrant comment les ordres religieux tournaient la loi, soit en se jouant des droits d’amortissement, de sorte « que ce qui semblait devoir arrêter les progrès de leurs acquisitions, a servi au contraire à l’augmenter », soit par la multiplication des rentes constituées sur des particuliers, qui « a contribué encore à l’accroissement des biens possédés par des gens de main-morte. »