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De neige, ils lui tressèrent l’aube de sa couronne impériale.

Quant à la candeur suprême, Claude ne la regardait pas en face, et son branlement de tête s’expliquait sans doute par celui d’un cygne acculé qui projette son cou à droite et à gauche, selon qu’il n’y a pas de chasseur, parce que la vie ne lui fut pas assez longue haleine pour le chant de l’apothéose.

Et comme Silius s’étendait dans ce lit, à peine aux bras de Messaline, il lui signifia, ainsi qu’avant la coupe de leur premier baiser, d’un rancuneux regard une si douloureuse angoisse, qu’elle lui pardonna tout de suite et même se repentit de la faute qu’elle devinait avoir commise, quelle que fût cette faute.

Silius cherchait, tâtonnait précipitamment de ses deux mains, sous la vaste nudité de sa carrure, captura l’objet — était-ce une bête qui l’avait mordu ? — de son horreur.

Livide, anguleux, cristallin, sévère, sénile, obscène, nu jusqu’à l’os :

Un dé.


— Il fallait garder une esclave, dit Silius, debout sur le tapis, pour changer les draps de César.

— Mais je t’ai tout donné, Silius, sanglota Messaline ; je ne pensais pas que tu ferais attention à… cette chose, je ne pensais pas que tu trouverais cette chose ! Mais on a laissé les draps de Claude aussi naïvement que, si Claude n’avait pas débarrassé ce lit à ton entrée en costume héroïque… je t’aurais aimé sur le corps de Claude.

En costume héroïque, c’est-à-dire tout nu, avec quelque draperie derrière l’épaule gauche.

— Mais je t’ai donné toute ma vie ! Mais je t’aime, Silius ! Mais mon corps, que tu ne repousses pas… Veux-tu donc aussi arracher ma peau, qui est à Claude ? Je t’aime !

— Oui, Valéria, tu nous aimes bien tous les deux — je ne compte pas la plèbe des autres — tous les deux, moi et César.

… Lève-toi ! tu ne m’as rien donné, aucune parcelle d’amour puisqu’il me manque une parcelle de ton amour ! Ou si tu me donnes tout, si tu te donnes toute… Celui qui possède absolument la femme de César est… Je suis César ! je suis ton mari légitime, et c’est peut-être de peur de déjuger tous mes aïeux Césars que je ne châtie pas, moi non plus, celui qui m’est,