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Messaline
III
les noces adultères[1]
Οὐδέ τι οἶδα
Εἴ μοι ἔτ' ἔμπεδόν ἐστι, γύναι, λέχος.

Le lit des Césars n’avait pas été apporté chez Silius comme y étaient venus les meubles et les esclaves et l’amour de Messaline, non que ce lit fût enraciné au sol du palais à l’imitation de la couche homérique d’Ulysse, ni parce qu’il est plus naturel qu’un homme marche vers un lit que le lit vers l’homme ; mais parce que le lit des Césars n’est tel, dans la pensée de Messaline, qu’avec pour baldaquin tout le palais des Césars, depuis ses fondations, dont la plus profonde est celle de Rome, jusqu’à son faîte, qui est Claude César lui-même, en train d’écrire l’histoire de cette Rome dans son transparent belvédère, sans en pourtant discerner encore, à ce point de sa lente érudition, cette ultime péripétie.

Et il y eut une fois une aube où la large couche nuptiale, aux pieds trapus d’ivoire cerclé d’argent, plaquée entièrement du même vierge métal, à la mode de Délos, et couverte d’une pourpre brodée de figures d’aigles, fléchit silencieusement sous le poids musculeux et nu de Silius, de qui la barbe noire fit plus éblouissante la soie candide du drap et l’épaule de Messaline.

Le contraste ras et blanc de Claude teignait naguère, dans cette même chambre, toutes choses de la couleur des cheveux

Or cela ne l’attristait point, lui étant un rajeunissement, mais sans qu’il souhaitât d’être ramené à une trop première adolescence.

Quand il n’avait pas de cheveux gris, il n’était pas l’amant de Vénus.

  1. Voir La revue blanche des 1er et 15 juillet, 1er et 15 août 1900.