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À vrai dire, nous avons autant de fériés qu’il y a de jours dans l’année.

De chaque dieu on commémore le jour de naissance et le jour de mort. Il est des dieux et des déesses, la déesse de Pardon, par exemple, à qui l’on a consacré une demi-douzaine de jours. Nous avons un grand nombre de divinités qui sont d’illustres personnages d’autrefois et à qui on a voué un culte.

Toute la nation les honore. Chaque cité, chaque village, chaque hameau possède un nombre de divinités locales qui sont ses protecteurs spéciaux.

Il est heureux pour les dites idoles, que leurs dévots aient une naturelle passion pour les cérémonies, le faste et l’apparat ; car, sans cela, l’idolâtrie exercerait peu d’attrait sur la foule. Chaque année, l’on dépense des millions de dollars pour la célébration de ces fêtes. Pour la consécration d’un temple à Canton, il y a deux ans, l’on dépensa trente mille dollars. Comme j’assistai à ces fêtes réellement grandioses, je puis vous en donner une idée.

Pendant longtemps, un comité de citoyens avait recueilli des souscriptions chez les habitants de la ville et des environs. Plusieurs semaines avant que le temple ne fût terminé, l’on aménagea un vaste pavillon, construit principalement en bambou et tendu de nattes.

Le pavillon se trouvait juste en face du temple, tandis que d’autres plus petits, étaient construits tout autour et reliés aux bâtiment principal par des vélums.

Au milieu du grand pavillon s’élevait une haute tour, du plafond de laquelle pendait un dragon multicolore, aux innombrables écailles étincelantes, et qui entre, ses dents, tenait une corde qui soutenait un lustre énorme artistement sculpté et muni de trente-deux bras, tous hérissés de cierges allumés et ornés de petites glaces devant lesquelles des figurines automatiques sont mues par un mouvement d’horlogerie.

L’effet en était des plus curieux.

De tous côtés il y avait d’autres lustres suspendus au plafond, moins travaillés peut-être, mais aussi artistiques et aussi beaux. Des grappes de pendeloques y étaient attachées, de sorte que la lumière fût reflétée à l’infini. Entre chaque lustre, étaient placées des cases aux parois de soie ou de satin. Ces cases contiennent des poupées, hautes de deux pieds, costumées et groupées de façon à représenter des scènes historiques. Ces marionnettes sont mues par des mécanismes qui leur font branler la tête, lever les mains, incliner le corps, selon les exigences de leur rôle. Il y a aussi des cases plus petites, où se jouent de ces scènes romanesques dont les Chinois raffolent. Parfois aussi, l’on donne des tableaux comiques ; par exemple, des aveugles se battant dans la rue à coups de bâton, et, comme les coups sont distribués à l’aveuglette dans toutes les directions (tout cela au moyen d’un mécanisme), les spectateurs s’en amusent énormément.

Des fleurs de toute sorte formaient un important motif de décoration. Elles étaient disposées en figures d’hommes ou d’oiseaux, et leurs délicieux parfums embaumaient la salle. Les murs des divers pavillons