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Cette école était dans le temple des ancêtres de mon clan et ressemblait à celle que j’ai décrite.

Nous étions seulement une douzaine de jouvenceaux placés, aux heures de classe, sous la coupe d’un vieux monsieur de soixante-six ans. Il avait tout l’extérieur d’un lettré et, en outre, il louchait, ce qui mettait une certaine incertitude dans nos projets de niches, car nous aimions à mettre dedans le vieux monsieur et il y avait toujours quelques-uns de nous prêts à quelque escapade.

Il est six heures du matin. Tous les garçons crient de toute leur voix, à pleins poumons. Parfois l’un d’eux s’arrête et parle à son plus proche voisin. Deux des plus insouciants « devinent » des taëls et à tout instant une dispute s’élève entre deux écoliers au sujet de la précellence de l’un sur l’autre. L’un croit savoir sa leçon : il a donné son livre à un autre et il la lui récite pour faire l’expérience.

Puis soudain, bavardage, jeux, cris, cessent. Une silhouette voûtée se dessine lentement sur l’ouverture de la cour. Les élèves se dressent sur leurs pieds. Une salutation simultanée jaillit d’une douzaine de lèvres. Tous crient : « Lao-Sé ! » (Vénérable maître).

Quand il s’assied tous l’imitent.

Il n’y a pas d’appel.

Alors l’un des écoliers place son livre sur le pupitre du maître, lui tourne le dos et récite. Mais voyez, bientôt il hésite. Le maître lui souffle, et l’élève arrive de la sorte victorieusement à la fin et retourne à sa place en jetant à la ronde un regard de triomphe. Un second écolier s’approche, mais le pauvre garçon bronche par trois fois.

À la troisième, le maître est à bout de patience et, pan, pan ! le rotin tombe sur la tête. Portant une main à l’endroit qui lui fait mal et de l’autre soutenant son livre, l’écolier déconfit retourne à son pupitre apprendre sa leçon.

Cela continue de la sorte jusqu’à ce que tous aient récité.

L’élève, dès qu’il a regagné sa place, se met à sa leçon d’écriture. Il doit tenir son pinceau dans une certaine position, verticalement, et plus raide il le tient, plus nette sera son écriture. Le maître d’école fait sa tournée et voit s’il écrit correctement.

Écrire est en Chine un aussi grand art que peindre ou dessiner dans d’autres pays et l’on y prise autant de beaux spécimens d’écriture, qu’ici de belle peinture.

Après la leçon d’écriture, il est temps de congédier l’école pour le déjeuner. À la reprise de la classe, chacun séparément explique la leçon du lendemain. Le maître la lit et l’élève la répète après lui plusieurs fois jusqu’à ce qu’il sache la plupart des mots. Alors il retourne à son pupitre et ânonne de nouveau la leçon pour la fixer dans sa mémoire.

Les écoliers plus avancés interprètent ensuite la Vie et les dires de Confucius et quelques essais littéraires. Après que le maître a conclu, il indique à chacun un passage de texte à expliquer. De cette façon,