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1o Chemin de fer des Communes jusqu’à Batoum …… 7.925 fr.
2o Traversée en bateau de Batoum au Canada ……… 150.000 fr.
3o Assurance du bateau ………………………………… 4.500 fr.
4o Nourriture pendant le voyage ………………………… 7.500 fr.
5o Chemin de fer au Canada …………………………… 52.025 fr.
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En tout : 221.950 fr.

Le « Lake Huron » débarqua à Halifax, et là une réception triomphale fut faite aux doukhobors par les habitants. Les doukhobors entonnèrent l’hymne « Seigneur nous te glorifions » ; les quakers y répondirent par : « Salut à vous », et leur pasteur, Boullemeyr, adressa aux immigrants une allocution enthousiaste.

Le « Lake Huron » amenait près de 2.000 personnes, parmi lesquelles il y avait 629 hommes, 673 femmes et 780 enfants des deux sexes.

Sous la rubrique « hommes », nous avons classé toutes les personnes mâles de 20 à 85 ans : la plupart ont de 20 à 25 ans ; cependant on compte 60 vieillards ayant plus de soixante ans. Quelques femmes ont de 80 à 85 ans, mais la très grande majorité est âgée d’environ 40 ans.

Le bateau « Lake Huron » avait quitté Batoum le 22 décembre. À Constantinople, le nombre des voyageurs s’augmenta d’un jeune médecin russe, Alexis Bakounine et d’une doctoresse en médecine, Maria Sasse : tous deux avaient offert leurs services sans rémunération. Pendant la traversée on eut à enregistrer dix décès… une femme de 86 ans, un homme de 46, et 8 enfants.

Six mariages furent célébrés sur le bateau avec un cérémonial des plus simples.

Les fiancés et leurs parents s’assemblaient sur le pont ; le futur époux s’approchait de sa fiancée, lui prenait la main et répétait sa demande en mariage : les nouveaux époux s’embrassaient, et la cérémonie était terminée.

Pendant la route il y eut une naissance. C’est pendant une tempête que la première petite doukhobor naquit sous l’ombre du drapeau britannique. Les parents appelèrent leur fille : Canada.

Parmi ces doukhobors migrateurs, deux surtout méritaient l’attention : deux vétérans de la guerre de Crimée, Makhortov et Borkov.

Makhortov a maintenant 86 ans. Pendant la guerre de Crimée il était matelot à bord du « Catherine II ». Après la guerre, Makhortov se rendit au Caucase où il vécut paisiblement parmi les doukhobors pendant cinq années ; en 1888, lui et cinq de ses camarades furent déportés dans le gouvernement d’Arkhangel, pour avoir fait de la propagande en faveur du refus du service militaire : deux de ses compagnons moururent depuis ; deux autres sont allés comme lui au Canada ; le cinquième, le plus éminent, Pierre Vériguine, est actuellement en Sibérie.

L’autre vétéran, Borkov, a 85 ans : il a passé de longues années en prison, pour avoir fait la même propagande.