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fenêtres sur la rue. L’air et la lumière venaient par une longue et étroite ouverture percée dans le toit. Mais, aussi bien que la lumière et l’air, la pluie tombait par là.

L’ameublement du salon était simple : un canapé de bambou, une table carrée, quelques chaises à large dossier droit, quelques bancs longs et étroits, et une paire de tabourets.

On remarque partout en Chine cette ascétique simplicité.

Je me souviens très bien de l’inconfortable lit chinois. Des planches servaient de montants, et des bancs supportaient ces planches. À nos lits, il y avait, pour surmonter le tout, la charpente d’un lourd baldaquin qui, au temps où il était neuf, était évidemment sculpté et doré. De ce baldaquin pendaient des moustiquaires. Le sol était recouvert de briques d’un pied carré pour tapis. Il n’y avait aucune cheminée ; pas d’ustensiles de chauffage ; quelques modestes ornements. En été, ces pièces étaient fraîches et agréables. Mais le vent et le froid de l’hiver les rendaient ensuite sans attraits.

II
la maison et la famille

La première enfance est un aimable stage de la vie pour un Oriental. C’est le seul temps où il reçoive des marques d’affection. Les habitudes de la famille en Chine sont telles, que, dès qu’un enfant commence à comprendre, non seulement on l’instruit à obéir, mais on ne lui laisse plus aucune liberté d’action.

Toute personne en Chine est sous la stricte sujétion de quelqu’un. L’enfant, lui, est le sujet de ses parents ou de son gardien. Eux, à leur tour, sont subordonnés à leurs parents.

Le magistrat est considéré comme le père du peuple qu’il gouverne, et l’Empereur est, devant ses sujets, dans le rapport de père à enfants. Les femmes sont soumises à leurs pères ou à leurs maris.

Obéissance et respect plutôt qu’affection, voilà ce que l’on demande à l’enfant chinois. C’est pourquoi sa vie domestique est contrainte et engourdie. Là, l’enfant n’atteint son type idéal que lorsqu’il est accoutumé à refréner ses impulsions affectueuses, lorsqu’il contient toutes ses émotions, lorsqu’il est uniformément respectueux envers ses supérieurs. Conséquemment, l’enfant est stylé à marcher obséquieusement derrière ses maîtres, à ne s’asseoir que lorsqu’il y est invité, à ne parler que si quelque question lui est posée, à saluer ses supérieurs correctement de leurs titres. Ce serait pour lui le comble de l’impolitesse, de prononcer le nom de son père ou d’appeler par leurs noms ses oncles ou ses frères aînés. Les enfants disent à leur père : « A-dé », ou, si l’on veut « A-ye » ce qui correspond à « papa ». Maman » en chinois est « A-ma ». La syllabe A est un préfixe dicté par la recherche de l’euphonie et les convenances de la prononciation.