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plus au nord. Quoique la neige n’y tombe point et que la glace y soit chose inconnue, l’air y est assez froid pour rendre le feu désirable. Mais les maisons chinoises — et cela me paraît aujourd’hui assez bizarre, — sont construites en vue de l’été, et plutôt contre la chaleur que contre le froid. Et l’on n’y connaît pas les installations telles que bouches de chaleur, fourneaux, calorifères. Pour nous prémunir contre le froid, nous recourons à des vêtements épais, et les manches sont d’une coupe très longue, à cet effet. Une conséquence comique de cela est que jeunes et vieux paraissent deux fois plus gros en hiver qu’en été.

Comme enfant, j’eus mes jouets : clochettes, crécelles et autres bibelots. Mais il n’y a pas, en Chine, cet objet béni qu’est le berceau, dans lequel on câline et balance l’enfant pour l’endormir ; il n’y a pas de couchette séparée. Je dormais avec ma mère et je ne doute pas que je ne me sois parfois égosillé à crier parce que j’avais trop chaud ; car, les vêtements de nuit, qui étaient multiples et chaudement ouatés me couvraient quelquefois tout entier et me rendaient la respiration très difficile. J’étais suffoqué, asphyxié, et je tentais de crier ; et ma mère faisait tout, hors de me donner un peu d’air et de liberté. Innombrables furent les drogues que l’on m’administra ; car les médecins chinois prétendent qu’ils peuvent guérir les criailleries nocturnes des enfants.

Les mères américaines ne se forment pas une idée de la tyrannie que les mères chinoises supportent de la part des médecins et des vendeurs de charmes, qui escomptant leurs craintes superstitieuses, quand il s’agit du bien-être et de la santé des enfants.

Dans la journée, j’avais pour m’asseoir une chaise de bambou ; elle était munie d’une planche de rebord, qui glissait en avant et en arrière et me servant de table pour mes jouets et de barrière : en cette posture obligée j’ai passé des heures, cependant que ma mère me veillait en filant le lin.

Nos coutumes orientales sont trop simples pour que nous ayons inventé le luxe des voitures d’enfants. Nous avons à la place notre écharpe de transport. Elle consiste en une pièce de toile épaisse, d’environ deux pieds carrés, brodée intérieurement, coloriée extérieurement de belles images, et ayant une bande aux quatre coins. Pour me placer dans cette écharpe de transport, le seul véhicule que j’eusse, ma mère ou une servante devait se baisser. J’étais alors posé sur son dos, et deux cordons passaient sur la poitrine de la porteuse ; les deux autres autour de sa taille. Mes jambes, durant la course, sautaient hors de taille, mais néanmoins, c’était pour moi un très confortable siège, quoique je doute que ce fût aussi plaisant pour celle qui me portait.

Mes plus précoces souvenirs se rapportent au salon du rez-de-chaussée dans la maison de mon aïeul ; l’aile droite du logis avait été laissée à mon père au temps de son mariage. C’était une pièce longue et étroite, avec des murs de brique nue, dans lesquels il n’y avait pas de