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la femme, à mesure que le fer se rétracte d’elle, s’abîme vers le néant des fleurs.

Le tribun a retiré tout son glaive ; au bout d’un temps, il conclut :

— Putain !

VIII
apokolokyntose

Inter cetera in eo mirati sunt homines et oblivionem et inconsiderantiam, vel, ut, graece dicam, μετεωρίαν et ἀϐλεψίαν. Occisa Messalina, paulo post, quam in triclinio decubuit, « Cur domina non veniret, » requisivit.

C. Suetonii Tranquilli Tib. Claud. XXXIX.

— Messaline est morte, dit Narcisse.

Claude mangeait, demi endormi, sur son lit de table.

— Elle est belle, elle est amoureuse, elle est morte, elle est Vénus, répéta-t-il d’une voix atone. Va lui dire de venir se mettre à table. Elle est belle, je l’aime, je suis heureux.

— Elle est morte, dit Narcisse.

— Morte, je comprends bien. Elle m’est très fidèle. Je ne l’ai pas embrassée ce matin. Va lui dire qu’elle vienne, il est tard.

— On a avancé l’heure de ton repas, César.

— Avancé l’heure ? On a eu raison ! Il faut toujours m’avancer l’heure. C’est pour cela que je suis joyeux, et de savoir qu’elle n’est pas en retard. Elle n’est pas souffrante, je vois. Je suis très content. Appelle-la.

Narcisse touche l’épaule de Claude et jette sur son lit une tunique de dessous tachée de rouge.

— Elle est morte, enfin, comprends-tu ?

À la vue du sang, les larges narines de l’empereur palpitèrent.

— La lune ? J’avais oublié, excuse-moi, Narcisse : mon esprit devient un peu… météorique et ablepsique ! Je vais bientôt être plus ignorant de ce qui se passe dans les planètes que les peuples de Taprobane, qui ne découvrent la lune au-dessus de la terre que la deuxième semaine de chaque mois ! Tu es un