Page:La Revue blanche, t23, 1900.djvu/140

Cette page a été validée par deux contributeurs.

beau, il y a un grand baquet où font pipi les hommes, prête-moi ton petit’thyphalle de bracelet pour joujou.

La matrone se lève brusquement et impose à la main de sa fille, sans rompre son douloureux silence, un poignard, sur quoi ses ongles à elle étaient crispés dès avant l’entrée des exécuteurs.

La réalité du métal la rappelle à elle-même et ressuscite toute l’impératrice.

— Je rêvais ! j’étais folle ! Oui, mourir, laver toutes mes hontes… Mais, sotte petite servante, ce bain est trop froid, tu mérites que je te pique avec l’épingle d’or. Où suis-je ? les jardins ?

Elle tombe à genoux.

— Phalès ! Il est parti ! il s’envole. Petit, petit… Je ne l’attraperai jamais ! — Cottyto, tu seras récompensée pour m’avoir retrouvé mon bijou. Ma petite broche de corail et de sardoines, ma stola chamarrée ne s’en passait pas. Ô mon oiselet de retour au nid ! murrhin joli, coupelle de mousse, Sili !

— Assez d’histoires, grommelle Évodus. Je pense qu’à cette heure ton amant vomit ses crimes avec son sang. S’il était permis à ta bouche de boire son âme, il te faudrait, de peur qu’elle ne fuie ailleurs, clore de tes doigts toutes ses plaies, ô plus vile que les baladines et les joueuses de flûte !

— Oh, ne lui faites pas de mal, à Silius. La mélodie de mes baisers sera la même, sans lui faire de mal, avec sept amants. O Pan ! ô syrinx !

Elle caresse mollement sa gorge avec le stylet.

— Elle divague de plus en plus. À genoux, catin ! Tribun, tire ton glaive !

Et lentement, le soldat commence d’amener au jour les premiers pouces de la lourde lame.

Messaline, au miroitement, laisse tomber son poignard et bat des mains.

— Oui, celui du soldat ! celui du soldat ! Claudi, bien-aimé, laisse, que ce soit moi qui te déshabille ! Tu es beau parce que tu es vieux, vieux, et chauve, si chauve qu’on ne peut pas plus nu ! ni plus laid, ô mon amant ! Où la laideur de l’homme, à son paroxysme, renonce, seulement commence la beauté de la fleur ! Viens, lis des jardins ! viens, mon empereur !